On parle plus, on éructe. Et quand on va bien, on gémit.
Quand on est en forme, on commet des phrases drôles, mordantes, sarcastiques, cyniques, remplies de références auxquelles personne comprend rien.
On est au dessus de la mêlée.
Dans un monde où faut surtout pas montrer qu’on pourrait être au milieu, dedans, avec, entre, parmi.
Merde, c’est dégueulasse d’être parmi les autres, d’être comme eux. Frayer avec le commun des mortels, ça avilit.
Alors on critique, on abat.
Et on étale notre misanthropie, notre misogynie, notre misandrie, bref, notre misère, en grand. En très grand.
On est mieux qu’eux. On aime personne. Ou alors des choisis, des élus, des vrais. Des comme nous.
Mais on clame abhorrer faire partie d’un monde, être enfermé dans des clichés.
On n’y est pas enfermé, on en est un. Ca nous donne raison sans le savoir.
On parle mieux bites, couilles, nichons, vagin qu’amour. Purée, l’amour, non. Ca dégouline, ça colle et on n’y a rien compris.
Le sexe et le cynisme sont les nouvelles pudeurs de la génération X. Ses protections, ses garde-fous.
On cherche le neuneu à abattre, le benêt heureux à descendre, le bisounours. Celui qui n’a pas capté les codes, les lois, les marches à suivre. Qu’on va lui imposer, à grand renfort de crasses et de sarcasmes que, en plus, ce con ne comprendra pas.
On va l’achever, ou, du moins, le faire taire. Pour nous, s’il se tait, il n’existe plus. Parfait.
On veut pas s’avouer qu’on est comme lui, avec ces mêmes peurs atroces, ces mêmes désirs incompréhensibles, ces mêmes envies de baisser les armes.
On veut pas s’avouer qu’il a le courage qu’on n’a pas. De vivre sans tout déchirer et dégueuler.
Sans beugler son mal être.
On va le traiter de bien-pensant, dans un monde où on assure, nous, penser droit.
Il voit pas, il voit rien, il pense que les choses peuvent aller mieux, voire, pire, qu’elles vont pas si mal. Du concentré de débile. De la sous-merde.
Du bisounours.
Un jour, on le retrouvera pendu, flingué.
On triomphera, on avait raison.
La survie de ce type d’être vivant n’est pas possible.
On crachera : « sale temps pour les bisounours »…
On rigolera, on sortira des vannes bien placées, on étalera nos prochaines rancoeurs, prochaines cibles…
…
Et on continuera à avancer, masqués, pour éviter que les autres découvrent qu’en fait… y se pourrait bien qu’on soit aussi un bordel de connard de bisounours.
(PS : si vous en retrouvez un de pendu à son arc-en-ciel, laissez-le, vous ne pourriez pas lui rendre meilleur service)
J’en ai plus pour longtemps si je comprend bien? Bon, où est mon arc-en-ciel?
Mel, dans mes bras, on est deux !!!!
Moi, je cherche la corde, là…
Vous vous êtes faite rare ces derniers temps et vos billets me manquaient. Ou alors je n’arrive pas à suivre l’infinie production de mes « amis » FB et passe à côté de l’essentiel…
On peut être bisounours dans bien des domaines. Vous m’avez rappelé une conversation dans laquelle mon interlocuteur affichait le plus parfait mépris pour un homme lorsqu’il était « gentil ». Et moi qui revendiquait la gentillesse comme vertu cardinale, j’ai eu peu d’arguments à lui opposer. Sensation très mitigée de paraître « faible » contre le « fort »
Et pourtant
Merci pour le talent avec lequel vous mettez des mots sur ces choses
Jean-Pol
Jean-Pol, vous n’avez rien raté, c’est bien moi qui me suis faite rare 😉
Pour mille et une raisons, pas toujours bonnes, d’ailleurs.
Moi aussi, je revendique la gentillesse comme une vertu. Mais pourtant, quand un jour un ami m’a traitée de « gentille », je l’ai mal pris et ai été vexée. Et je me suis rendue compte que je vivais dans un monde où c’est perçu comme une insulte. Et que je le perçois comme tel aussi ! :s
Je vais essayer (du moins, je m’y suis engagée auprès de mon entourage ;-)) de me faire moins rare, promis !!!!
Gentil c’est simple, sans blessures. Féroce c’est compliqué, intense, chargé de blessures. Faut-il chaque fois répéter les fondamentaux ? 😉
J’adore ton billet, Marie. Il me fait penser à la chanson « Politiquement correct » de Bénabar.
Caroline (arrivée via le blog de Sofille)