Apprends-moi à voir le monde comme toi

Le tonnerre et la pluie se sont déchaînés sur Bruxelles toute la nuit.

Je ne dors pas assez (c’est pas nouveau) et j’ai du mal à émerger (c’est encore moins nouveau).

Mais avant même que j’aie pu terminer ma tasse de café (qui n’est que la première d’une longue série), le petit de l’Homme s’est mis en mode « je-raconte-tout-ce-que-je-vois-même-ce-que-tu-vois-aussi-des-fois-que-tu-ne-l’aies-pas-vraiment-vraiment-vu-quoi ».

Et dès l’instant où il a appuyé sur le bouton ON, on dirait qu’il a oublié où se trouve le OFF (ou peut-être n’existe-t-il pas ?).

Nous sortons de la maison, le temps est horriblement maussade, voire menaçant, nous sommes en retard, et j’ai juste envie qu’on me fiche la paix.

Et pourtant la petite voix continue, forte et claire :

« Ooooooooh, regarde ! Il y a de l’eau sur la toile d’araignée, là ! On dirait des petites perles ! C’est chouette, comme ça, si l’araignée a soif, elle peut boire sans bouger de sa toile, c’est cool ! Et puis c’est joli, non ? »

« Là, là, regarde là ! Une cascade ! Tu as vu ? Il y a une cascade dans la rue ! »

« Wouaaaaaah, une Aston Martin ! C’est quand même trop bien de voir une Aston Martin le matin ! Elle est belle, j’aime bien sa couleur, toi pas ? Dis, on cherche pour voir si on voit pas une Porsche ? »

« Oh un bus avec les anciennes couleurs ! Le jaune, c’était pour faire penser au soleil, tu crois ? Ha oui, ils sont gris maintenant, c’est pas mal aussi, le gris, ça brille… »

« Fais attention où tu marches, y’a des lacs partout ! »

« Moi j’aime beaucoup quand il y a des orages, j’aime bien les éclairs, ça fait un peu comme des feux d’artifices, tu trouves pas ?  »

Ca y est, il est rentré dans son lieu de stage, je l’ai embrassé, le moniteur l’a pris en charge.

Je vais avoir la paix.

Je vais pouvoir râler tranquilou sur ce temps de merde, sur ces fichus travaux qui n’en finissent pas dans ma commune, sur ces connards qui polluent avec leurs grosses bagnoles, sur les bus de la STIB qui ne sont jamais à l’heure et sur ces trottoirs pourris qui sont de vrais parcours du combattant…

Je vais pouvoir…

Oui, je vais pouvoir…

Ooooooooooh mon petit loup, je t’en supplie, ne va pas à ton stage, reviens !

S’il te plaît, apprends-moi à voir le monde comme toi… !

9 Commentaires

Laissez votre avis