21 ans, le changement

(Comme de coutume, je commence cet article en recommandant la bande-son. Et en y mettant un petit contexte.
Nous sommes au centre de l’été, de cet été qui restera certainement dans les annales comme l’un des pires de ma vie. L’étudiant est au volant. Je ne sais plus où on va… comme d’ailleurs tout ce qui se passera durant ces mois d’été, la destination se fond dans un brouillard irréel. Je ne sais plus non plus pourquoi on y va. Mais je sais que c’est lui qui conduit. Et en accord avec cette vieille habitude de « qui conduit choisit », il a mis sa playlist. Et avec un geste très simple, tout doux, il monte un peu le son et me dit « Celle-là, c’est pour toi, maman, tu vas aimer. » Et le son emplit l’habitacle de la voiture, et avec lui la lumière, la joie, la jeunesse et l’été. J’ai 20 ans, tout est possible à nouveau, je souris. Oui, mon trésor, tu as raison, celle-là, elle est pour moi. Et le soleil, la légèreté, la danse, le rire, la sensualité, tout reviendra. Je vais m’accrocher.
Ce son est donc à écouter ici : https://youtu.be/4d_vkvE3Iys?si=Bie6EiN0vYg8sxO-)

CA Y EST, TU PEUX ENTRER DANS LES BARS AUX USA ET AU JAPON !

Désolée, cela m’a échappé.
Mais à l’âge où ma mère devenait mère, où une partie de ma génération devenait majeure (oui, oui, la majorité à 18 ans ne date que de 1990 en Belgique, ce qui a effaré ma mère car j’en avais 17 à l’époque, et, entendant la nouvelle à la radio, elle n’a pu s’empêcher de s’écrier en me regardant « mais tu es bien trop jeune pour devenir majeure ! ». Voilà, je gagnais 3 ans de rab de majorité, je me sentais d’un coup hyyyyyper grande et ma mère balisait) et où certains votaient donc pour la première fois (note, maintenant, en Belgique, on peut voter à 18 ans, mais ne pas avoir de gouvernement avant ses 21 ans, hein, ça change pas des masses quand on y réfléchit…), toi, la seule chose qui va changer dans ta vie, c’est que tu vas pouvoir boire une bière tranquilou au pays de Trump.
On a les évolutions qu’on peut.

Ainsi, il y a 21 ans, tu te retrouvais catapulté dans ce monde avec l’Homme et moi comme parents.
Veinard, va.
Pourtant, de cette seconde-là, je te jure, on a fait complètement, entièrement, totalement de notre mieux.

Te protéger, t’entourer, t’aimer.
Nos deux êtres ont été tendus vers ce seul but : faire de toi un être humain heureux, équilibré et lumineux.

Pour ce faire, nous avons créé un cocon avec un seul motto : « Nous 3 face au monde entier ».
Une équipe indestructible pour que tu te sentes aimé au-delà de tout, et, par là, invincible et capable de déplacer des montagnes.

Et par monts (c’est le cas de le dire) et par vaux, nous avons tenu bon.
Base solide sur laquelle tu pouvais te construire en confiance.

Seulement, comme tous parents, nous sommes surtout et avant tout des humains.
Humains qui se sont sentis géants, invulnérables, mais qui se sont avérés néanmoins profondément, vulnérablement humains.
Je vais t’avouer un truc, mon étudiant, cette vulnérabilité, cette faiblesse, nous aurions voulu que tu ne t’en rendes compte jamais.
Je pense très sincèrement que c’est le rêve de tout parent.
Mais voilà, paf, cela n’a pas été possible.

Et tu as été témoin de la chute.
Du désarroi.
De la rage.
De la douleur.
Du tsunami.

Et face à tout ça, cela n’a pas toujours été facile de nous rendre compte de ce que tu vivais, toi.
Toi qui non seulement assistais à la chute des géants, mais également au déchirement du cocon.

Allais-tu, à presque 21 ans, passer à travers ? Avoir l’intelligence de prendre ce qu’il y a à apprendre et de laisser le reste ?
Quelles traces, blessures, cicatrices allais-tu en garder ?

Il est certes encore trop tôt pour le dire. Cet événement te définira comme tant d’autres événements te façonneront au fil de ta vie.
Mais tu as tenu le choc. Car certes choc il y a eu.
Tu as un peu navigué à vue également, qui ne le fait pas tant que la tempête fait rage ?
On a tous même à un certain point solidement bu la tasse.
Mais on s’est également tous raccrochés à la seule bouée qui ne coulait pas : celle de l’amour que nous avons pour toi.

Et c’est cela qui nous maintiendra à flot. Plus en tant que trio indestructible, mais néanmoins comme base face au monde entier.
Ça, ça ne changera pas.

Tu as tenu le cap, Louni. Tu cartonnes dans tout ce que tu fais : études, jobs petits et grands, projets emballants. Si tu avais voulu prouver à tes parents fragiles qu’ils ont réussi leur mission, tu ne t’y serais pas mieux pris. Tu fonces : le monde n’a qu’à bien se tenir, tu y as débarqué en fanfare (oui, en fanfare, je ne savais pas qu’un bébé pouvait hurler si fort, je te jure, à côté un concert de heavy metal tient de la berceuse) et tu ne comptes absolument pas du tout arrêter de faire du bruit (sauf que ce coup-ci, ça tombe bien, tu dors nettement plus loin).

Preuve s’il en est que des parents qui n’étaient pas vraiment des géants ont réussi à en faire un.
De vrai géant.

Alors, heureux 21 ans, géant.
Je trinque à ta santé maintenant que tu peux le faire partout vraiment !

Marie, le 11 décembre 2024.