(Cet article fait partie de la série « Calendrier de l’Avent », pour retrouver les explications et l’article du Jour 1, c’est par ici)
Il y a plus de 5 ans (très précisément le 18 mars 2011), je débarquais sur Instagram.
A l’époque, on était 3 pelés, 2 tondus et l’ambiance était plutôt (très) bon enfant. Et très anglophone (les profils francophones se comptaient sur les doigts de la main). Pouvoir documenter sa vie rien qu’en photo avait quelque chose de gentil, doux, tranquille. Pas de polémique, pas de concours, pas d’attaque. Pas de grand discours, ni de grand débat. Reposant. De quoi accrocher au concept immédiatement.
Et j’ai accroché.
Les gens qui y ont suivi mon profil, ont suivi mes voyages, mes sorties, mes délires.
Dans des photos pas toujours hyper léchées, mais néanmoins, merci les filtres, jolies malgré mon manque évident de talent photographique.
Mon but n’était pas de faire carrière dans la photo, mais de faire partager les petits moments de bonheur de ma vie, leurs délires, et parfois leur magie, aussi.
Et ça me convenait très bien comme ça.
Je suis restée dans ma petite bulle et j’ai dû rater le moment où Instagram est devenu LE réseau incontournable pour les influenceurs.
En même temps, je ne suis influenceuse que de ma vie, donc ce tournant, on va être honnête : je m’en suis un tout petit peu tapé.
Mais n’empêche, depuis, je passe ma vie à tomber sur des articles du genre « comment gagner en influence sur Instagram » mais aussi « comment Instagram peut vous mener à la dépression »… J’exagère à peine.
Visiblement, pour la première occurence, il y a un tas de techniques (qui n’ont visiblement rien à voir avec la qualité de ce que vous partagez, ni avec votre personnalité, il s’agit juste de gagner du « chiffre » et non de découvrir des gens passionnants, on est d’accord), et pour la deuxième, cela devient carrément un problème de société.
Et ça, ça m’épate.
Donc aujourd’hui, l’important est d’avoir un nombre de gens qui vous suivent, qu’importe qui, qu’importe quoi, ce qui compte, c’est le nombre. C’était déjà le cas sur les autres réseaux sociaux, Instagram n’échappe donc plus à la règle. Le but n’est pas d’y échanger quoique ce soit, mais plutôt d’y atteindre un chiffre « à vendre ».
Oubliez les chouettes découvertes, la rencontre d’autres personnes, les photos où l’on partage ses petits bonheurs, on s’est fiche, c’est plus le but.
Bon, ok, pas de souci, chacun utilise les réseaux sociaux comme bon lui semble, et je n’ai donc rien à redire à cela (sauf, si je peux me permettre, le fait qu’en temps qu’utilisatrice, les photos hyper léchées qui sonnent faux ne me donnent pas du tout envie d’acheter le produit posté par la personne qui les conseille, ni d’aller dans l’endroit recommandé… Ca manque solidement de charme, de failles et ça me fait fuir), mais le fait que cela mène des gens à la « dépression », par contre, m’interpelle.
Pour moi, ce réseau est un vrai endroit « feel good ». Et, même si j’évite soigneusement toutes les photos qui sonnent faux et qui ne montrent rien avec « de la vraie vie » et « de la vraie chair » dedans, il y en a quand même encore un tas que je trouve belles (c’est le but d’Instagram, les photos belles, les filtres sont là pour cela) et qui illuminent mes journées.
C’est un fait, le débat tourne souvent autour de « pourquoi les gens ne montrent-ils que les plus jolies photos et les plus beaux moments de leur vie sur Instagram ? »
Ben… Laissez-moi réfléchir…
Vous voudriez vraiment qu’on y montre toutes les merdes de notre vie, là ?
Tous les moments rudes ?
Les détails scabreux ?
Je ne sais pas vous, mais moi, perso, j’ai bien assez avec les trucs moches de ma vie pour ne pas, en plus, vouloir me taper ceux des autres. Si j’ouvre un réseau social (et à fortiori un réseau basé sur des photos), c’est pas pour qu’on m’y étale la gastro de la petite dernière, ni tous les problèmes que je peux rencontrer dans ma vie à moi. Je les connais, je les vis, ça ira, merci.
Quand je me balade sur Instagram, c’est pour me changer les idées, pas pour qu’on me rappelle combien la vie peut être misérable.
Cela me semble donc normal qu’on s’y montre sous son meilleur jour, le but n’est pas non plus de faire déprimer la terre entière.
N’empêche, visiblement, certaines personnes dépriment surtout devant des photos super jolies. Ca leur donne l’impression que la vie des autres est parfaite, alors que la leur est un truc proche du ratage intégral…
Et j’avoue, je comprends parfaitement.
Vous avez beau ne pas avoir envie de voir tous les problèmes du monde étalés sous vos yeux, tomber sur un étalage de pur bonheur les jours où vous venez juste de vivre une journée atroce (le mot est faible), où votre mari est d’une humeur de chien et où vos gamins ont décidé de vous faire regretter d’avoir arrêté la pilule au lieu d’adopter un chien, ça vous donne clairement envie de pleurer de frustration et de hurler au monde entier comme une hystérique que vous-aussi-vous-aimeriez-vous-retrouver-sur-une-plage-à-Bali. Et de virer les 90% de vos contacts. Et de divorcer dans la foulée.
(un billet une personne pour Bali sera toujours moins cher que 4 pour toute la famille, c’est mathématique, paf)
C’est humain, normal et sain.
Une fois de loin en loin.
Par contre, si ce genre de réaction vous prend à longueur de temps et vous bouffe la vie, là, il y a un problème.
Et c’est ce problème-là avec lequel j’ai du mal.
Pourquoi continuer jusqu’à s’en rendre malade ?
Pourquoi s’enfoncer pour quelque chose qui, soyons franche, n’est qu’un miroir magnifiant de la vie de nos contacts ?
Alors permettez-moi de vous glisser quelques petits trucs qui me sont venus à l’esprit quand j’ai lu que cela pouvait rendre malade. Et que j’applique moi-même les jours où j’ai passé une salle journée alors que, visiblement, les 3/4 de mes contacts ont, eux, passé leur vie entre les Seychelles et le dernier endroit à la mode dans les bras d’un livreur de Coca-Cola :
1) se poser la question : « est-ce que je voudrais VRAIMENT être LA, maintenant, tout de suite, avec ces gens-là ? »
Je vais être honnête, 90% du temps, pour moi, la réponse est non. En fait, si je suis honnête avec moi-même, après une journée de merde, j’ai juste envie de me retrouver dans mon chez-moi, avec les gens que j’aime, soit sous un plaid tout doux, soit dans un bain qui sent bon (agrémenté d’un bon verre de vin, aussi), pas sur une plage à l’autre bout du monde (aussi jolie soit-elle) ou avec la moitié des peoples de la ville dans un endroit qui, si ça tombe, n’est pas franchement ma tasse de thé.
Savoir ce qu’on veut vraiment remet souvent les pendules à l’heure.
2) si d’aventure la réponse à la première question est OUI (donc dans les 10 autres % pour moi), la question suivante est « Et qu’est-ce qui m’en empêche ? »
Bonne question, non ? Les autres vivent un truc que j’aimerais vivre… ben, qu’est-ce qui m’empêche de le vivre aussi ? Ok, vous allez me dire que les Seychelles, c’est pas franchement la destination la plus facile à caser, tant au niveau budget qu’au niveau temps, il faut avouer que La Panne, ça serait plus casable. Mais justement, c’est un beau défi, non ? Et si on se le fixait ? Hop, les Seychelles sur la liste des rêves à réaliser ! Ce ne sera peut-être pas demain ou après demain, mais cela sera un jour, on se le jure ! Et ce jour-là, on se le promet, on inondera Instagram de photos, gnêrk.
Je n’ai encore jamais été aux Seychelles, par contre, je dois mon envie de refaire les 3/4 de ma maison à Instagram. A force de voir des photos d’intérieurs superbes défiler sous mes yeux (c’est ma faute aussi, je n’avais qu’à pas suivre des comptes de déco non plus), j’ai fini par me dire qu’au lieu de jouer Caliméro, il était un peu temps que je bouge mes fesses. Dont acte. Et ma maison m’en remercie (l’Homme aussi).
Oui, Instagram peut être à l’origine d’un magnifique regain d’énergie !
3) bon, la réponse à la question 2 peut aussi être « que ce but est totalement inaccessible » (mais quelle idée, aussi, de suivre la moitié des stars d’Hollywood !). Effectivement, vous ne gagnerez peut-être jamais un Oscar, ni ne deviendrez une rock star internationalement adulée. Ok. Là, on peut comprendre le coup de blues. Mais s’il dure plus de 2 minutes, il y a un GROS souci. Petit rappel : il ne faut pas absolument être célèbre, ni riche à milliards pour être heureux. Vous ne seriez pas en train de passer à côté des petits bonheurs de votre vie, vous, là, par hasard ?
Alors, zou, on ferme cette putain de bordel d’application, on ouvre les yeux, on regarde autour de soi et on embrasse ceux qu’on aime (inviter la totalité de ses potes pour faire une teuf que même George Clooney vous envierait est une option aussi).
Et si ça tombe, après, vous en reviendrez au point un et vous vous rendrez compte que la réponse à la question posée est… non !
Sur ce, je vous quitte, non sans vous avoir balancé comme photo pour illustrer cet article une magnifique photo de mes vacances d’il y a quelques années (alors que je suis devant mon ordi, face à mon salon bordélique à souhait)…
Parce que, rappelez-vous Instagram, ce n’est pas la vraie vie et la vôtre vaut mille fois plus la peine d’être vécue que celle du voisin !
(la photo qui illustre cet article a été prise par l’Homme et n’est pas libre de droits)