Parler d’amour par temps de haine – mort d’une grand-mère

On ne se voit pas vieillir.
Et on voit encore moins vieillir ceux que l’on aime.

Ou du moins, on ne voudrait pas le voir.

Il ne restait que peu de personnes dans mon entourage de la génération qui a connu la guerre.

Et la dernière vient de partir…
En ces temps troublés, c’est un dur rappel à la réalité.

J’ai toujours eu cette chance d’avoir autour de moi des gens pour me mettre en garde contre la violence des mots, le danger du rejet et de la haine de l’autre.

Ils l’avaient appris à leur corps défendant.

Et ils ne voulaient pas que cette violence s’abatte à son tour sur leurs enfants et petits-enfants.

Comment parler d’amour en ayant connu la haine ? Lire la suite

Mort d’un grand-père

« Ta grand-mère a marché avec nous, elle est merveilleuse, tu sais ! »

L’homme qui prononce cette phrase est le grand-père de l’Homme.
Nous sommes dans son salon, à regarder les photos de leurs dernières vacances à son épouse et lui. Il nous raconte leur balade dans les montagnes.

Il a près des 80 ans, mais il ne les fait pas. Son regard clair, sa voix posée, sa haute stature, son élégance discrète le rendent intemporel.
Lui et son épouse sont mariés depuis presque 50 ans et, d’ailleurs, on va fêter cet anniversaire sous peu en famille.
Moi, du haut de mes vingt et quelques années, je le regarde, éberluée.

« Elle est merveilleuse, tu sais ! » Lire la suite

New York Diaries, jour 6 : des toiles et des chants

(Cet article fait partie d’une série de 9 articles, pour la suivre chronologiquement depuis le début, cliquez ici)

S’il est bien un endroit qui attire et fascine le petit de l’Homme à New York, c’est Times Square. Les lumières, la foule, les magasins, mais surtout, la taille et le gigantisme. Je n’ai pas découvert New York aussi jeune que lui. Du coup, je me demande souvent comment cette ville, à laquelle il a été exposé tout petit déjà, va le marquer et, quelque part, le façonner. Nous sommes tous pour grande partie le résultat de nos expériences d’enfance et je me demande souvent quel homme le petit va devenir vu les expériences, les sensations, les découvertes… qu’il a pu faire depuis qu’il est tout petit.
Et justement, depuis tout petit, Times Square l’attire, exactement comme un papillon est attiré par la lumière. Forcément, me direz-vous, la lumière à Times Square, c’est un peu la base de la base. Il explore tout, remarque tout, veut décoder… tout. Les chiffres de la Bourse, c’est quoi ? Cette énorme affiche-là, elle parle de quoi ? Hé, tu as vu la pub de Coca-Cola ? On dirait qu’elle est cassée ! C’est une comédie musicale, là ? Dis, on ira la voir ? Il est infatigable (et assurément fatiguant). Et difficile de lui expliquer l’importance de la prise de recul par rapport à ses images nombreuses, invasives, ultra-lumineuses, même, aussi, agressives. En tant qu’adultes nous sommes tout autant happés que lui… Alors, la dissection du discours publicitaire, ça attendra qu’on soit rentrés à Bruxelles. Là, face à ce monde d’images, de bruits, de mouvements, c’est juste impossible. Lire la suite

Mon frère se marie

Dans la série « les aventures du frère de Marie », il y a eu l’étape « bébé ». Je vous l’ai d’ailleurs expliquée iciet là.

Tout roule.

Et puis (enfin, je vous la fais en raccourci parce que cela n’a pas été tout-à-fait comme ça mais j’ai pas deux tomes La Pléiade pour vous l’expliquer), il a décidé de se marier. Enfin, ILS ont décidé de se marier. Oui, parce que mon frère ne se marie pas tout seul. C’est un détail qui a son importance. Ce sera donc le mariage de mon frère ET de son amoureuse. Qu’il a eu le bon goût de choisir intelligente, sensible, drôle et pétillante (en plus d’être jolie, oui, je sais, c’est rude), ce qui fait qu’ils forment un couple solidement bien assorti et … plutôt enviable.

Jusqu’ici tout roule encore.

Boire du Champagne parce que mon frère annonce qu’il va se marier, c’est complètement à ma portée.

Par contre, quand ledit frère me dit « alors, tu vas écrire un texte pour mon mariage, mmmmh ? », là, ça se corse. Lire la suite

Alléluia…

Retour de réveillon. La voiture traverse Bruxelles silencieuse qui termine de fêter Noël. A la radio, « Allelujah » chanté par Jeff Buckley.

Le petit de l’Homme est blotti dans son siège à l’arrière de la voiture, il chantonne doucement sur la musique… Alléluia… Alléluia…

Je me tais. Je vis un moment parfait. Fait de bonheur, de chaleur et de paix.

Je sais que tout le monde n’aime pas Noël, que ce bonheur programmé et commercial est décrié.

Et pourtant… Lire la suite

Papa

– Oui mais quand même, comment il fait Saint-Nicolas pour arriver jusque chez nous ? C’est haut, la porte est fermée et y’a pas de cheminée !

– Il vient en hélicoptère, qu’est-ce que tu penses ! T’as jamais entendu le bruit dans le ciel ? Si ? Ben quand tu entends ce bruit, c’est l’hélicoptère de Saint-Nicolas !

Il est sorti de son lit et il s’accroche au mien, j’ai le lit du dessus, c’est moi la plus grande, c’est moi qui dors en haut du lit superposé. Sa tête ébouriffée dépasse, il me regarde fixement et son regard oscille entre admiration et doute… Je tiens bon, je le persuade que j’ai raison. Il faut qu’il continue à croire en Saint-Nicolas.

Je me sens surpuissante. Lire la suite

Etre triste et être content, c’est être vivant !

Je parle peu de lui ces derniers temps sur mon blog.

La raison en est simple : le petit de l’Homme m’a demandé de ne plus le citer sur le web… « Je ne veux pas que les gens rient de moi en lisant ton blog, tu comprends ? Je ne veux plus que tu écrives des choses sur moi. »

Cela m’a posé question. Je lui ai bien sûr expliqué que le gens qui lisaient mon blog ne riaient pas « de lui »  mais « avec lui » sauf que la nuance est difficile à faire passer auprès d’un petit garçon de 6 ans… Il a lui aussi un droit de regard sur son image sur le net. Pour finir, qui suis-je, moi, pour décider de mettre toutes ses paroles sur la Toile sans lui demander son avis ???!!!

Pourtant elles sont magiques, ses paroles, merveilleuses et réconfortantes, très souvent. Et très lucides. Je ne suis pas la seule à le dire. Nombre d’adultes dans son entourage le pensent également (et la pédopsychiatre qui l’a rencontré, à la demande de l’école, aussi).

Alors, je voulais juste, avec infiniment de précautions, vous mettre ses deux dernières réflexions…

Parce que la famille est touchée de plein fouet. Parce que l’Homme et le petit de l’Homme sont dans l’oeil du cyclone…

Hier soir, alors que je lui demandais s’il était triste et que je voulais savoir son sentiment, ce petit bonhomme de 6-ans-presque-et-demi m’a répondu :

Oui, je suis triste, très triste, mais c’est normal, c’est la vie. Etre triste et être content, c’est être vivant !

Et quand je lui ai demandé s’il croyait que les gens pouvaient encore vivre car on pensait à eux même s’ils n’étaient plus là, il m’a répondu :

Tu sais, on peut vivre mille vies, il suffit d’être amoureux chaque fois !

Mon amour, s’il te plaît, n’oublie pas, n’oublie jamais d’être vivant et d’être amoureux. Jamais, jamais !

Le reste, les adultes s’en occupent… On te le promet…

Toi, Flamand, moi, Wallonne ?

Hier après-midi, sur twitter, un politicien flamand, Monsieur Vincent Van Quickenborne a lancé cette superbe constatation:

Dankzij @le_bux @johannemontay heb ik in 100 tweets meer geleerd over Wallonie dan 10 jaar politiek. Faut le faire. Et vous wallons?

Pour nos amis qui ne parleraient pas flamand, je traduis : Grâce à @le_bux et @johannemontay, j’ai appris plus sur la Wallonie en 100 tweets qu’en 10 ans de politique. Faut le faire. Et vous wallons ? (en français dans le texte)

On passera sur le fait que le « et vous wallons ? » me fait un peu penser à « et vous, juifs ? » digne d’une réplique de la Liste de Schindler parce qu’on a collé des points Godwin pour moins que cela. On lui trouvera l’excuse que, en 140 caractères, il faut bien être synthétique. Néanmoins, le monsieur n’a quand même pas peur du stéréotype bien stéréotypant (ça existe des points pour ça ?). Y’a pas QUE des Flamands et des Wallons en Belgique. Cette dichotomie serait bien pratique mais elle n’est, hélas pour ce brave homme, pas une franche réalité belge.

Prenons moi, par exemple. Wé, au hasard. Complètement au hasard.

Le papa de ma maman vient de Namur, il est donc wallon. Il parlait français. Jusque là, simple.

La maman de ma maman venait de Namur aussi. Wallonie toujours. Français encore.

Ils se sont rencontrés et se sont mariés à Bruxelles. Qui, selon monsieur Vincent (et bon nombre de Flamands) n’est plus du tout, du tout la Wallonie. Et ils y ont procréé. Leurs enfants sont nés à Bruxelles, ont grandi à Bruxelles et ne connaissent de Namur que la Citadelle et que c’est pas mal comme ville pour y faire du shopping.

La maman de mon papa était bruxelloise. Elle parlait le Ucclois. Si, si. Un patois flamand. Mais elle a été à l’école en français. Parfaite bilingue, elle se définissait comme Bruxelloise, donc. Pure Bruxelloise. La Wallonie, elle y allait en vacances. C’était exotique.

Le papa de mon papa, lui, était flamand. De Flandre. Et il parlait flamand. Voici de quoi faire plaisir à monsieur Van Quickenborne, mon grand-père était un homme pas compliqué. Et la Wallonie, il y allait aussi en vacances, mais c’était quand même moins bien que l’Italie (il y avait pas mal d’Italiens aussi, certes, mais plus de soleil).

Sauf que… mon grand-père flamand, il a épousé une Bruxelloise. Et que, s’ils parlaient flamand tous les deux, ils ont décidé d’élever leurs enfants en français. Ca faisait plus « chic » (c’est pas moi qui le dit, c’est ma grand-mère qui me l’a répété toute sa vie). Enfants qui ont néanmoins appris à parler le flamand avec leurs cousins. Et qui, donc, étaient bilingues et… bruxellois ! Qui, en plus,  allaient en vacances en Flandre et en Wallonie. Des belgique-trotters.

Tout le monde me suit ? J’ai perdu personne en route ?

Ma maman, bruxelloise, a rencontré et épousé mon papa, bruxellois. Ils m’ont élevée en français (je vais devoir leur en vouloir toute ma vie, ils ont fait de moi une francophone, ils n’ont pas réfléchi aux terrifiantes implications que cela allait avoir sur ma vie à moi, parents indignes).

Et, là, monsieur Vincent Van Quickenborne me demande si j’ai appris quelque chose sur les Flamands grâce à Twitter, moi, la Wallonne-qui-parle-français.

Ben… Ecoutez…

J’veux pas être mauvaise, hein. Mais j’aimerais d’abord qu’on me donne l’exacte définition de « Wallon ». C’est un peu comme pour les Juifs, faut au moins deux ancêtres wallons dans la lignée ? (hop, un point Godwin, un !) Nan parce que si c’est ça, je coche, hein, fichez-moi une étoile, je rentre dans les critères (et un troisième point, youplààà !). Sauf que j’ai deux flamands aussi. Ca se corse. Et n’allez pas dire à mon grand-père qu’il n’était pas flamand, il aurait pas aimé. Ma grand-mère, elle, hurlait qu’elle ne l’était pas, flamande, mais bon, quand elle s’énervait, c’était quand même bien dans cette langue-là…

Et au final, si on relit bien toute l’histoire de ma famille, le fait que je parle français tient, en fait, un chouïa du hasard … La vie comme elle va, rien de plus, rien de moins.

Chuis un tutti-frutti.

Mais néanmoins, va falloir séparer les Flamands des Wallons, c’est vital pour que le pays survive me souffle-t-on…

Bien. Qui prend les seins ? Qui prend les jambes ?

Et faites gaffe, vous trompez pas, une fois le choix fait, on ne peut plus changer : le territoire, c’est le territoire !

PS: chuis par contre terriblement contente que M. Van Quickenborne apprenne des choses sur les francophones qu’il ne connaissait pas grâce à Twitter. Et on ira encore me dire que Twitter, ça sert pas, après ça !