Avoir 48 ans, l’âge auquel mon père est mort (Bon anniversaire, Marie)

Happy Birthday to me !

(Ok, j’admets, le titre de cet article est moyennement marrant.
Mais en même temps, la période ne prête pas à une hilarité débridée, donc vous allez faire avec.)

Oui, j’ai 48 ans aujourd’hui.
Oui, mon père est mort au même âge.
Et je me souviens comme si c’était hier m’être dit, en pleine cérémonie funéraire, qu’un jour, je serais plus vieille que lui (on remarquera que j’étais quand même pas mal optimiste à l’époque, pour le coup, je croyais en l’avenir !).

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You got the love

Le 23 septembre 1994, j’écrivais cette seule phrase dans mon journal intime:

« Aujourd’hui, je suis plus triste qu’orpheline »

Mon papa venait de décéder.

Un papa qui brûlait la vie par les deux bouts, qui vivait la nuit, qui avait un parcourt tellement différent des autres papas normaux que je m’étais habituée à être extrêmement évasive sur sa vie, sa manière d’être, ses choix…

Comme l’explique si bien Melissa dans son dernier et très bel article, notre père est le premier homme de notre vie. Celui qui façonne notre vision des hommes, celui qui façonne aussi la femme que l’on sera, l’amoureuse que l’on deviendra.

Hé bé, le mien m’a pas ratée.

Ma vision des hommes est un peu chaotique, ma vision de l’amour l’est plus encore.

Et ne parlons pas de ma manière de faire confiance au sexe opposé. C’est pas grandiose.

Non que je sois jalouse, même pas (et l’Homme me l’a déjà reproché, ce manque de jalousie, c’est pas mal de voir parfois votre tendre moitié vous prouver qu’il/elle tient à vous en piquant une petite crise, histoire de marquer le coup), j’y arrive pas, mais juste que j’ai pas confiance fondamentalement en l’honnêteté du sexe dit fort (quelle jolie expression à la con, tiens !).

Monsieur vous dit qu’il vous aime ? Allons bon, ricanez un coup, il le dira à une autre demain. Il vous dit qu’il veut s’engager ? Marrez-vous, il a certainement peur d’être seul. Il vous trouve extraordinaire et murmure que vous êtes la seule, l’unique ? Pouffez et dites-vous qu’il y a des milliards d’autres uniques potentielles pour lui sur cette terre.

Argh. Je sais, chuis pas drôle.

Justement, c’est fort triste d’être pas drôle comme ça.

Et je me dis que je détesterais que le petit de l’Homme pense la même chose une fois devenu grand. Ca, ça me tuerait. Et puis, il aurait pas le droit. Car lui, la première femme de sa vie, elle l’aime énormément. Et il ne pourra que croire en toutes les femmes qu’il croisera, ça, j’vous jure !

Qui plus est, il me réconcilie avec l’amour chaque jour. Et là, ça devient plus drôle, plus léger…

Je me souviens d’une discussion sur twitter autour des arguments pour ne pas avoir d’enfant. Chacun son choix, et je conçois à merveille qu’on choisisse de ne pas en faire (ben oui, oui, franchement, oui, c’est pas parce que j’en ai un et que ça me comble de bonheur que ça doit combler le reste de la planète, hein).

Mais voilà, mon seul et unique argument pro-maternité est un regard. Un seul regard qui me fait comprendre l’amour à l’état pur, à l’état brut. Et ce regard, il appartient à mon fils. Personne d’autre ne m’a jamais regardée de cette manière, jamais. Ca donne le vertige et ça fait même suffoquer, parfois. A en perdre pied tellement c’est absolu, intègre, puissant.

Et je ne veux pas que ce regard perde cette intensité trop tôt. Il la perdra, oh oui, je ne me fais pas d’illusion, mais j’aimerais tant que ce soit le plus tard possible…

Dans une chanson des années 90 (une chanson à texte comme on n’en fait plus, c’est ma minute « culture de boîte de nuit », digne des 3 minutes kitsch de Fred, savourez), la chanteuse disait « you got the love I need to see me through » (du texte, du vrai, je vous avais prévenus, hein).

On a tous (et toutes) besoin de se voir au travers de l’amour de l’autre, c’est vital. C’est cela qui fait avancer l’humain, qui fait s’épanouir l’enfant. Le regard encore et toujours.

J’ai dû regarder mon père comme cela un jour. C’est juste dommage que je ne m’en souvienne plus. Il m’a peut-être même regardée en ayant lui aussi cette sensation que personne d’autre ne le regarderait jamais de cette façon. Je ne le saurai jamais.

Je garde de lui des yeux bleus, des doigts de pianiste, un nom imprononçable et un caractère fantasque au possible (bon sang ne saurait mentir). Et cette envie rageuse de regarder un homme avec un regard absolu.

Merci papa…

Et 15 ans après, malheureusement, je suis encore et toujours plus triste qu’orpheline…