30 ans de mort, et de vie

(Pour reprendre une vieille habitude, je vais vous coller le bourdon avec la bande son de cet article. Un morceau que j’écoutais en boucle, de manière complètement obsessionnelle même, il y a 30 ans, après la mort de mon père. Zou, cliquez ici : WINTER et maintenant, continuez à lire)

J’ai parlé plusieurs fois de mon père sur ce blog.
Si vous n’êtes pas un(e) lecteur/rice avide et assidû(e) (je ne vous en veux pas, la vie est courte et la planète, vaste) ou si vous n’avez pas l’honneur de faire partie de mes « amis » Facebook ou Instagram (où j’ai eu l’idée fabuleuse de faire une petite rétrospective de certains textes sur ce dernier), vous pouvez vous mettre à jour ici, ici et ici.

Bref, j’ai parlé plusieurs fois de mon père en ces lieux.
Pourtant, des adultes qui m’ont entourée et aidée à grandir, c’est certainement l’un de ceux (si pas celui) qui m’a le moins accompagnée dans la vie.
Osons même avouer qu’il ne m’a en aucun cas vu grandir (même si je fais à tout casser 1m60 les bras levés, j’ai été plus petite, si, si), trop occupé qu’il était avec sa propre vie, ses propres problèmes, et sa passion.

Il a été mon père peu de temps. Par père, j’entends un être humain qui se lève la nuit quand vous faites des cauchemars, qui s’inquiète de votre santé, qui connait le nom de vos amis et vos points à l’école, qui se réjouit de vos succès, s’énerve de vos excès, parcourt la moitié de la ville pour venir vous chercher la nuit, vous offre des cadeaux à Noël et à votre anniversaire ou, au moins, se souvient de la date (oui, mon père est parvenu à totalement oublier ma date de naissance, idem pour celle de mon frère), en gros qui fait mille et une petites choses au quotidien qui disent chacune séparément et toutes ensemble « oui, je suis là, je suis ton père ».
Si je compte bien, il l’a été à temps plein pendant 5 ans, puis de manière de plus en plus sporadique pendant encore 7 ans, puis plus du tout par la suite à quelques moments exceptionnels près.
Pour s’effondrer sans vie, un 23 septembre 1994, quelque part dans le Bordelais.

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Je te le promets

(Pour les personnes qui suivent ce blog depuis ses débuts, il y a quelque chose à préciser : la personne à laquelle je vais rendre hommage ici est celle à qui vous devez la belle aventure à l’origine de cet espace.
Pour celles qui débarquent, foncez lire cet article : A générale merdique)

Il y a un peu plus de 13 ans, j’écrivais :
« Je voudrais juste remercier ma locomotive, mon chocolat en concentré, mon co-auteur, mon porteur de projet, mon accoucheur, mon metteur en scène, mon réalisateur, mon coach moral et physique… Fred.
Y’a pas des tonnes de choses à dire sinon que tu es quelqu’un de rare. Dur à suivre, parfois. Mais énergisant et grisant, toujours.
On y est. Notre bébé est né. »

Alors, notre « bébé », ne vous y méprenez pas, c’était une pièce de théâtre.
Basée sur une naissance aussi, celle de mon vrai bébé, celle-là.
Un moment fondateur. Un vrai deuxième accouchement.
Et à mes côtés, celui qui, du jour de notre rencontre et pendant plus de 20 ans, n’a jamais arrêté de croire en moi, sans relâche, sans doute, sans jugement…

Frédéric Gibilaro s’est barré de cette Terre (je suis désolée, je ne vous écrirai pas « mourir », d’abord parce que vous comprendrez vite que ce n’est pas complètement vrai, et puis parce que j’y arrive pas, voilà) ce mardi 30 novembre.

Le choc, la douleur, l’hébétement…
J’ai dû relire le message envoyé par ton homme, ton amour, 20 fois, Fred. 20 fois avant de comprendre ces mots alignés qui dansaient devant mes yeux et qui n’avaient aucun sens.
J’ai dû m’entendre redire l’impossible au téléphone.
J’ai dû serrer ton amour à toi dans mes bras, sans pouvoir te serrer toi contre moi… pour enfin réaliser.

Tu t’es blotti, endormi, et tu ne t’es plus réveillé.
Et tous les gens qui te connaissent et qui t’aiment ont de ce moment-là commencé à cauchemarder.

Mais qu’est-ce qui t’a pris ???
Mais d’où t’étais mortel, toi, d’abord ?
Mais d’où t’allais te barrer et nous laisser désemparés ?

Je vais pas te mentir, le choc est énorme.
Il nous a été, à tous, difficile de réaliser.
Que toi, boule de vie et d’énergie, tu puisses, comme ça, sans préavis, nous laisser sans tes câlins, tes conseils, tes regards bourrés d’amour et tes blagues à la con.
Le vide est immense, la douleur aussi.

Mais tu sais quoi ?
De cette situation incompréhensible sont nées de belles choses, des choses à ton image.
D’abord, sache que le premier mot qui nous vient en tête, à l’ado et à moi, quand on pense à toi, c’est « énergie », mais pour un paquet de gens, ce mot, c’est « bienveillance ».
Oui, Frédéric (je dis Frédéric, parce que, bon, tu vas finir par m’engueuler de t’appeler « Fred » tout le long de ce texte, car tu veux pas qu’on t’appelles Fred, tu t’appelles Frédéric et on doit t’appeler Frédéric… D’accord, Fred), le nombre de gens qui retiennent ta bienveillance, tu serais scotché. Si tu pouvais jeter juste un petit coup d’oeil par ici, juste pour voir… la multitude de gens que tu as touchés et dont tu as transformé la vie… c’est à en rester soufflé.
On dit qu’on mesure la grandeur d’une vie aux traces qu’elle laisse sur cette Terre quand elle s’en va.
Tu étais immense, Fred, sache-le.
Et cette immensité est là, elle reste, elle ne se perd pas.
Elle se voit, elle se sent, au delà des larmes, dans nos sourires, dans nos embrassades, dans nos fou-rires…
Elle s’exprime dans nos blagues, nos jeux de mots (on va pas te mentir à nouveau, on t’arrive pas à la cheville, question blague pourrie, tu restes indétrônable)…
Elle s’immisce dans nos câlins, dans nos caresses…
Et elle se love dans les projets qui, déjà, naissent, pour toi, par toi…

Tu as passé ta vie à vouloir devenir la meilleure version de toi…
Ce faisant, tu as entraîné tous ceux autour de toi à faire de même.
Sans forcer, sans obliger, avec patience, foi et tendresse.
Tu n’étais pas parfait (et tant mieux, c’est chiant, les gens parfaits), mais je dois te l’avouer, tu étais un magnifique être humain.
De ces êtres humains qui se préoccupent des autres, qui les tirent vers le haut, qui répandent énergie, chaleur et vraie bienveillance.

J’aurais préféré te dire ça de vive voix, j’aurais dû te dire ça de vive voix…
Mais voilà, je dois accepter que j’ai raté ce coche-là.
Et me promettre, te promettre, que je ne raterai pas le suivant.

Tu te souviens quand tu es parti à Los Angeles ?
Tu nous avais fait promettre de prendre soin de ton homme, ton amour, resté ici, on avait promis et tenu parole.
Un peu trop bien tenu parole, peut-être.
Et tu t’étais énervé… « Et moi, qui s’occupe de moi, en fait, là » ?

Alors, on te le promet encore, on va s’occuper de ton amour, notre ami, et je sais que tu le sais, tu n’en doutes pas.
Mais là, aujourd’hui, on te promet, je te promets…
On va s’occuper de toi.
iPulcini vivra.
Ta chaleur restera.
Et moi, je te jure que je vais m’atteler à devenir une meilleure version de moi-même.

Le choc est passé, ça va aller, on va y arriver.
On est blottis dans ta chaleur et ta tendresse.
On garde précieusement ton énergie et ton regard.
On se sait gavés de ton amour.

Et de belles choses sont nées ou à venir et elles seront aussi magnifiques et immenses que toi.
On te le promet.
Je te le promets.

A toujours, mon Fred.

Romain

Romain,

J’aurais dû t’écrire cet article il y a quelques mois déjà.
En mai, plus précisément le 28 mai.
C’est ce jour-là que tu as choisi pour te barrer. Définitivement.
Enfin « choisir », entendons-nous, on ne choisit pas ces choses-là.
On ne choisit pas la maladie, la souffrance et la mort.
On les subit, avec plus ou moins de grâce, plus ou moins de classe.
Ta grâce et ta classe à toi étaient sans aucun mesure.
Personne dans mon entourage ne t’arrivait à la cheville.
Et je ne dis pas ça parce que tu t’es barré et qu’on enjolive toujours un peu ceux qui ne sont plus là.
Je le dis car c’était une évidence. Lire la suite

Parler d’amour par temps de haine – mort d’une grand-mère

On ne se voit pas vieillir.
Et on voit encore moins vieillir ceux que l’on aime.

Ou du moins, on ne voudrait pas le voir.

Il ne restait que peu de personnes dans mon entourage de la génération qui a connu la guerre.

Et la dernière vient de partir…
En ces temps troublés, c’est un dur rappel à la réalité.

J’ai toujours eu cette chance d’avoir autour de moi des gens pour me mettre en garde contre la violence des mots, le danger du rejet et de la haine de l’autre.

Ils l’avaient appris à leur corps défendant.

Et ils ne voulaient pas que cette violence s’abatte à son tour sur leurs enfants et petits-enfants.

Comment parler d’amour en ayant connu la haine ? Lire la suite

Mort d’un grand-père

« Ta grand-mère a marché avec nous, elle est merveilleuse, tu sais ! »

L’homme qui prononce cette phrase est le grand-père de l’Homme.
Nous sommes dans son salon, à regarder les photos de leurs dernières vacances à son épouse et lui. Il nous raconte leur balade dans les montagnes.

Il a près des 80 ans, mais il ne les fait pas. Son regard clair, sa voix posée, sa haute stature, son élégance discrète le rendent intemporel.
Lui et son épouse sont mariés depuis presque 50 ans et, d’ailleurs, on va fêter cet anniversaire sous peu en famille.
Moi, du haut de mes vingt et quelques années, je le regarde, éberluée.

« Elle est merveilleuse, tu sais ! » Lire la suite

Quitter la scène…

… en silence et sans angoisse.

Avec des faux pas, des vrais pas, des pas en avant, des pas de côté.

Un air guogenard, un clin d’oeil, un sourire en coin.

Des coups d’éclats, des coups de maître, des coups de gueule.

Et de l’amour, surtout. De l’amour, de l’amour, de l’amour, beaucoup d’amour, tellement d’amour…

Un héritage qu’on lit dans les yeux de tes fils.

Merci… Merci Francis !

Faire sens…

Pourquoi un homme de 41 ans, père de famille nombreuse, doit-il se tuer, un mercredi après-midi, sur une route de Bretagne, dans ce petit coin de paradis qu’il avait enfin trouvé… ?

Pourquoi la moto de cet homme s’est-elle trouvée face-à-face avec une voiture, n’a pu l’éviter, ni éviter le choc mortel ?

Pourquoi la conductrice de cette voiture s’en est sortie indemne alors que l’homme a succombé à ses blessures à l’arrivée des secours ?

Faire sens…

Faire sens de ces souvenirs d’enfance qui remontent et étranglent.
De ce petit garçon blond, de cet adolescent secret, de cet homme dont l’humour cachait mal les fêlures…

De ce mec de 23 ans qui a un jour serré très fort une adolescente de 17 ans à peine, au sortir d’une soirée d’agapes, dans les vapeurs d’alcool, de cigarettes et de sueur, alors que 6 heures du matin sonnaient au clocher d’une église: « je t’aime, petite cousine, t’oublies jamais ça, ok ? »
Mouvement si inattendu, si imprévisible, si inhabituel, si tendre que la petite cousine s’est raidie d’un coup. Mais qu’elle a gravé dans sa mémoire à jamais…

On ne vous dit jamais assez souvent qu’on vous aime… Prenez quand on le fait.

La petite cousine n’a jamais répondu. N’a pas osé dire qu’elle aussi. S’est enfuie avec le mec rencontré à cette soirée-là, en riant, gênée. On est con à 17 ans.

Faire sens…

Faire sens de ce qui arrive dans ma vie.
Faire sens de ce départ.
Dire les choses, ne plus juste les murmurer…

Purée, il est temps que je comprenne, là…!

Alors, je commence aujourd’hui, je le gueule:

JE T’AIME AUSSI, ERIC

Tu laisses une femme, des enfants, une soeur et une mère anéantis.

Et des cousins orphelins.

Je dédie ce billet à Philippe, Arnaud, Christian, Muriel, Daphné, Thierry, Angie, Dimitri, Jean-François, Tania, Cassandre, Brigitte, David, Alix et Michaël. A ceux qu’ils aiment et qui les aiment.

Ainsi qu’à ceux que j’aime, que ce soit d’amour, d’amitié ou tout autre chose encore, et à qui je ne le dis peut-être pas assez souvent… Je n’attendrai plus qu’on se fracasse en voiture pour le faire…

Promis.