Parler d’amour par temps de haine – mort d’une grand-mère

On ne se voit pas vieillir.
Et on voit encore moins vieillir ceux que l’on aime.

Ou du moins, on ne voudrait pas le voir.

Il ne restait que peu de personnes dans mon entourage de la génération qui a connu la guerre.

Et la dernière vient de partir…
En ces temps troublés, c’est un dur rappel à la réalité.

J’ai toujours eu cette chance d’avoir autour de moi des gens pour me mettre en garde contre la violence des mots, le danger du rejet et de la haine de l’autre.

Ils l’avaient appris à leur corps défendant.

Et ils ne voulaient pas que cette violence s’abatte à son tour sur leurs enfants et petits-enfants.

Comment parler d’amour en ayant connu la haine ?

Il suffisait de plonger dans le regard de la grand-mère de l’Homme. De se laisser porter par sa voix malicieuse, enchanter par son sourire mutin.

… et le seul mot qui venait à l’esprit pour la définir était d’une évidence folle : « amour ».

Vous allez me dire que c’est un peu bateau, comme mot, même solidement galvaudé, tiens.
Vous n’aurez pas tort, on le fiche à toutes les sauces, ces derniers temps.

Comme si on avait perdu la recette du truc et qu’on voulait un peu la recréer… sans vraiment bien savoir ce que c’est.

Un peu comme si on voulait à nouveau aller sur la Lune, on a su à un moment, mais là, pas de bol, on a perdu le mode d’emploi.

Moi, ce mode d’emploi m’a été donné par la génération de mes grands-parents.

En les regardant vivre, j’ai appris que l’amour est quelque chose qui ne se reçoit pas une fois pour toute, quelque chose en kit qu’on jette après usage. C’est un savant mélange qui se nourrit et se renforce une vie durant de toutes les adversités, de toutes les erreurs et, même, de toutes les haines…

On peut aimer toute une vie avec la même énergie, la même ferveur, le même sourire lumineux…

J’aurais peut-être dû leur poser des questions au lieu de juste les regarder vivre… mais je ne sais pas s’ils m’auraient répondu. Il est des recettes qu’on ne demande pas aux grands chefs. On les admire faire.

J’ai donc admiré de tout mon saoul. Détaillé les moindres gestes, bu les moindres mots.

Et ces choses que j’ai vues, si je vous en parlais, là, maintenant, ici, vous les trouveriez banalement mièvres… Du coup, je ne vous en parlerai pas. Désolée, je ne vous guiderai pas vers la Lune, c’est pas mon job.

Mais je peux vous donner un conseil : observez ceux qui mettent l’amour en pratique, leurs gestes ne mentent pas.

Adieu Bonne-maman, embrasse (mais alors fort, hein) Pinpin et Papylou pour nous, pour leurs enfants, leurs petits-enfants, leurs arrières-petits-enfants. Dis-leur que même si la peur du chaos s’installe ici, ils ne doivent pas s’inquiéter, vous ne devez pas vous inquiéter. Que tout ce que vous nous avez transmis est bien acquis et que cela nous protège.

Dis-leur qu’on se tient chaud.

Et qu’on continuera à parler d’amour, même par temps de haine.
Avec un sourire malicieux et un regard mutin.

(la photo qui illustre cet article a été prise par l’Homme, elle n’est pas libre de droits)

2 Commentaires

Laissez votre avis