Tadaaaaaaaaaaaaaaam !
Se dire que ça y est, vous avez tout classé, tout trié, vous allez aller vous inscrire au chômage !!!
Bon, prenons une individue lambda pas au top de sa forme ni physique, ni morale. Moi, par exemple. Oui, c’est ça, c’est un bon exemple.
Blindée de bonne volonté et de papiers en tous genres. Debout à 6h30. Oui, oui, si vous avez envie de grasse matinée, vaut mieux rester employé. Le chômage, c’est pas pour les lève-tard !
En route à 7h45. Déposage du petit de l’Homme à son école (« Mais tu travailles plus ! Pourquoi je dois aller à la garderie, alors ??? » « Tu comprendras quand tu seras grand »). Tout roule.
Vérification faite la veille: l’adresse où je dois m’inscrire au chômedu est encore la même que celle que je connaissais il y a 6 ans. Parfait. Bus arrive, nickel. Tram suit, super.
Arrivée sur place, stupeur. Y’a pu. Quoi y’a pu ? Ben y’a pu. Fermé. Transformé. A pu. Partie la permanence de chômage de la FGTB ! Sans donner sa nouvelle adresse, d’ailleurs. C’est écrit nulle part, j’ai bien tout détaillé.
Résistant vaillamment à un pointe de découragement totalement injustifiée (allez, quoi, c’est pas ça qui va arrêter une femme crevée, morte de froid et pas en forme quand même !), je me planque dans un arrêt de bus et sors mon iPhone. Par moins 2 degrés, on se dit que l’iPhone et le chômage doivent être des choses bien plus agréables à vivre sous des latitudes plus clémentes que la Belgique au mois de janvier. Et puis, je me rappelle que l’iPhone n’est PAS une option logique quand on est chômeur. Et me demande comment font les autres chômeurs pour trouver la permanence chômage quand elle déménage en ne laissant pas d’adresse… Passons. Je cherche donc l’adresse de ma permanence. Ma recherche sous Safari me délivre trois sites. Avec trois adresses différentes, youplààààà. Outre la première que je connais déjà (et c’est pas lààààà, lalalèreuh !), j’hésite entre les deux suivantes. Je lance Google Maps. Qui veut pas se lancer. Je relance, chuis têtue. Lui aussi, malheureusement. Je trépigne (ça tombe bien, ça réchauffe, il fait froid). J’essaye de lancer le site de la STIB (société des transports bruxellois pour les étrangers à Bruxelles qui passeraient par ici), histoire de voir comment me rendre à l’une de ces deux adresses (vu que je ne vois pas où c’est), mais ce site-là aussi refuse catégoriquement de me donner une réponse. Tout le monde me lâche.
Je résiste vaillamment à une inutile envie de pleurer, c’est moche, ça sert à rien et puis, quand il fait froid, c’est mauvais pour la peau. Il est déjà 9h20. Je me demande si je vais opter pour l’option « appeler un ami ». Je m’entends déjà supplier au téléphone « diiiiis, tu peux me dire où se trouve la rue machin-truc-chose ??? Et comment qu’on y va ??? » « Et la rue brol-bazard, tu peux aussi ??? » « On y va comment idem ??? ». Je me ravise. L’Homme a oublié son iPhone à la maison (et il est à Paris, en plus) et mes autres potes ont autre chose à faire de leur vie que de m’aider à m’inscrire au chômage. Ils bossent, eux.
Je me résigne à redescendre dans la station de tram pour rentrer chez moi et aller voir, courageusement, quel est le chemin pour ma nouvelle permanence chômage sur mon Mac, au chaud, avec un café. Oh oui, un café.
Mais avec le risque, couru d’avance, de ne plus ressortir après. Qui plus est, là, l’horaire est formel, quelle que soit l’adresse, la seule chose avec laquelle les trois sites soient d’accord, c’est l’heure de fermeture de la permanence: midi. Il est 9h40, le temps de rentrer, de trouver où aller et comment y aller, d’y retourner, pas sûre d’y être à l’heure. C’est un défi. Et la STIB fait passer Le Dakar 2010 comme une promenade de santé à côté de ce défi-là.
Quoiqu’il en soit, je me sens l’âme d’une femme prête à relever tous les défis, je descends dans la station de tram. Et, là, pile au dessus de ma tête, apparaît en grand, en très grand, en énooooooooorme… le nom de la rue de la deuxième adresse. Mon instinct de citadine me dit deux choses:
1) le hasard n’existe pas, si cette adresse est au firmament de ma station de tram, c’est un appel. Pour finir, les Rois Mages ont un peu fait pareil mercredi, ils ont suivi l’Etoile et ont trouvé Jésus. Je n’en demande pas tant mais si suivre cette flèche pouvait déjà me mener à ma permanence chômage, j’en serais très heureuse. Qui plus est, dans l’état actuel des choses, cette permanence me sera plus utile que Jésus himself. Je doute qu’il puisse me délivrer une carte de chômage.
2) si cette adresse est fort proche de l’ancienne adresse (à deux pas), il y a de réelles chances que ce soit la bonne. La permanence aurait déménagé dans le quartier, c’est logique, ça se tient. Et j’aime les choses logiques, moi.
Je suivrai donc la flèche. Qui s’arrête une fois en dehors de la station. On peut pas tout avoir. Je me résous, en fille méga têtue, à rouvrir Google Maps. Qui marche, allélouïa ! On reste dans le mystique.
La rue est à deux pas. Deux pas pas franchement glamour, l’endroit est certainement un des quartiers les plus glauques de Bruxelles. Mais même pas peur, je suis remontée à bloc. Et j’ai froid. Mon air de bourgeoise décidé doit en étonner plus d’un. Ceci dit, j’ai rangé mon iPhone. Au loin pointent les drapeaux rouges flamboyants de la permanence chômage du syndicat socialiste. Un cri de victoire que n’aurait pas renié Léon Blum (s’il avait été Belge) m’échappe.
Je m’engouffre dans un bâtiment neuf, chaud et beau. De toute évidence, le déménagement s’est fait pour un mieux. C’est tout joli ! Je me place dans la file. Et découvre avec ravissement qu’elle n’est pas longue et que, en plus, trois guichets sont ouverts. L’ancienne permanence n’avait qu’un guichet et une file longue comme un jour sans pain. Je souris d’aise. Mais pas longtemps.
10h30, j’arrive au guichet. Je demande donc à me réinscrire au chômage (vu que je l’ai déjà été dans une vie antérieure, toute inscription future est un réinscription, à l’avenir) et m’attends à recevoir un ticket pour refaire la file pour le bureau des inscriptions au chômage. Jusque là, je suis drillée mentalement, je m’y attends. Le côté kafkaïen de faire la file pour avoir le droit de refaire la file, je m’y suis préparée. J’ai intégré l’absurde de la donnée à l’époque, je suis blindée maintenant. Une vieille routière du truc.
La dame du guichet, adorable, me demande mon C4.
« Je n’ai pas de C4, mon employeur ne m’en a pas donné »
« Ha, il me faut votre C4 »
« Mais j’ai mon contrat, il est fini, c’est une fin de contrat, la date est sur le contrat »
« Ca ne suffit pas, madame, le C4 est le document officiel. Il y sera effectivement stipulé que la raison de votre fin de contrat est « une fin de contrat » (sic), mais ça doit être écrit sur un C4. »
« Ha. Bon… mais je ne peux pas m’inscrire déjà et venir vous donner ce C4 par la suite ou vous l’envoyer par la poste ? »
« Non, sans C4, on ne peut pas vous inscrire. Demandez votre C4 et revenez. »
« … »
« Etes-vous inscrite à Actiris ? »
« Ben non, je dois m’inscrire à Actiris après m’être inscrite au chômage, non ? »
« Ha non, non, vous avez 8 jours pour vous inscrire à Actiris après votre fin de contrat, sans cela, vous aurez des problèmes pour votre inscription, or nous sommes déjà le 8, il faut aller vous y inscrire maintenant, avant que cela ne ferme ! »
« Mais je ne savais pas pour les 8 jours ! »
« Ha ben si, 8 jours, allez-y, il y a une permanence Actiris à 5 minutes à pieds d’ici, vous voyez la rue Brol-truc-muche ? C’est au 144, sur votre gauche »
Un peu sonnée, je fais oui-oui de la tête, dis au revoir poliment et me retrouve dans la rue en essayant de rassembler mes esprits. Pas si aguerrie, finalement, la vieille routarde du truc. Une constatation: l’administration belge est un peu comme un mari, vous pensez tout connaître de lui, tout savoir et, non, il vous épate encore, même des années après votre rencontre…
Je me concentre et essaye de me souvenir des noms de rues donnés par la gentille dame. Car je me sens l’âme d’une amazone qui va aller prendre d’assaut Actiris. Ou un truc comme ça… En plus habillée néanmoins.
Je tourne à gauche, à droite, je ne sais plus, je suis perdue, et, ô miracle, je me retrouve dans la rue Brol-truc-muche. Je constate fièrement que mon incroyable sens de l’orientation m’a évité d’avoir à ouvrir une troisième fois Google Maps. Je m’applaudis. Et cherche le 144.
(j’ouvre ici une parenthèse offrant mes services comme guide touristique à qui veut pour visiter ce charmant quartier qu’est le quartier de la Gare du Midi, je le connais comme ma poche maintenant et Actiris serait heureux de voir que je me donne corps et âme pour me créer mon propre emploi)
Je rentre à la permanence d’Actiris. L’endroit est tout aussi beau et neuf qu’à ma permanence chômage. A croire que pendant les années où je n’ai pas été chômeuse, ils ont décidé de donner envie à tout le monde de le devenir. Et ça tombe bien, ils doivent être contents, tout le monde le devient justement, les chiffres explosent, ça fait chaud au coeur !
Comme Actiris multiplie les permanences (un jeu se cache dans ce billet: comptez le nombre de fois où le mot permanence est écrit, ça occupe et si vous n’avez pas la chance, comme moi, d’être chômeuse et que vous vous emmerdez donc dans un bureau, ça va vous aider à finir votre journée), il n’y a personne dans celle-ci. Je passe donc sans encombre l’étape de l’accueil et celle du deuxième accueil (on est vraiment les bienvenus, chez Actiris !) pour, enfin, après juste deux minutes d’attente dans une salle adorable remplie d’ordinateurs connectés (c’est pour chercher du boulot, bande de mauvaises langues), je passe devant une autre gentille dame.
« C’est pour une réinscription »
« Bien, puis-je avoir votre carte d’identité ? Oh, vous avez été journaliste ? »
« Heu, nan. Pas franchement, nan. »
« Ha. Vous êtes réinscrite. »
« Bon, au moins je suis dans les temps, je devais l’être avant aujourd’hui m’a-t-on dit au syndicat »
« Vous devez l’être dans les 8 jours après votre inscription au chômage, oui »
« Ben, je ne suis pas inscrite au chômage, là »
« Ha ??? Ceci dit, ce n’est pas grave, vous êtes déjà inscrite chez nous, c’est fait, mais il n’y avait pas d’urgence ».
Elle sourit.
Moi aussi. Mais jaune.
Je sors d’Actiris, je me dirige vers la Gare du Midi. Cet endroit m’est au moins familier, il me rappelle le boulot. Et c’est bien de se rappeler de choses logiques et qu’on connaît quand on a l’impression d’être plongé dans un monde surréaliste.
Je lève le nez, avance courageusement et me retrouve étalée de tout mon long sur la voie de tram que je devais traverser. Les rails et le gel ont eu raison de mes nouvelles bottes. Je me relève en souriant. Les gens me prennent pour une douce folle. Et pourtant, j’ai envie d’éclater de rire en me disant… « Décidément, les rails et moi, on n’est pas copains… »
La gare me tend les bras, je m’y engouffre. Le Psychologie (oui, encore lui) titre « Savoir faire les bons choix » (bon, il titre aussi « Fellation, cunnilingus, quand l’un veut et l’autre pas » mais cela n’a aucun rapport avec ce billet). Je constaterai en l’achetant (ça occupe) que l’article ne m’aidera en aucun cas à faire les miens, de choix (mais peut-être à en savoir plus sur le cunnilingus et la fellation, si ça tombe).
Il y a même un test: « Qu’est-ce qui vous bloque ? »
Mais la réponse VOUS-MEME n’y figure pas. Dommage…
PS: et sur psycholgies.com, il y a aussi un test qui s’intitule « Comment vivez-vous le chômage« , ça ne s’invente pas !