Ca fait deux ans que le petit de l’Homme rêve de Tour Eiffel. Sous toutes ses formes, toutes les coutures, dans tous les sens. Un seul soucis, mais de taille, l’Homme et moi n’en rêvons pas du tout, du tout, du tout, nous.
L’Homme parce qu’il n’y est jamais monté (et il l’avoue sans honte, si ça lui a pas manqué en 35 ans, y’a peu de chance que ça lui manque les 35 années qui vont suivre), moi, parce que j’y suis montée une fois, une seule fois, en 1983, avec mon père, qui avait ainsi trouvé l’occasion et de nous faire plaisir à mon frère et à moi et d’occuper ses gamins un après-midi (faut avouer, mon père n’était pas très branché « activités avec des gamins », en gros on lui aurait refilé deux aliens venus de Pluton, ça l’aurait mis dans le même embarras…). Et j’avoue que, du coup, depuis la mort de ce dernier, j’avais juré que la Tour Eiffel était et resterait un lieu sacré, attaché à la mémoire du premier homme de ma vie. Plus question de remettre un orteil sur le sol de cette construction en fer.
C’était sans compter les yeux bleus (très convaincants) du deuxième homme de ma vie. Ils ont l’art de prendre tout le monde en traître ces yeux-là (même ses instit, malheureusement) et vous retournent sans que vous n’ayez compris le pourquoi ni le comment.
Bref, ok, la Tour Eiffel, on allait y monter. Mais faire une queue de 4h36 (au bas mot, j’exagère d’à peine quelques minutes) par un froid à pousser à la grève tout un syndicat de canards (l’expression n’est pas de moi mais elle reflète exactement le temps qu’il fait pour l’instant au pied de cette fichue tour) pour, ensuite, au mieux, prendre un ascenseur (saine occupation, j’en conviens, mais je peux le faire un peu partout sans payer une fortune), au pire, monter des milliers de marches à pieds (occupation que vous trouverez peut-être encore plus saine, moi, je la trouve juste masochiste, chacun sa vision, hein !) n’est pas exactement la définition que j’ai d’un moment agréable et glamour en famille.
Donc, j’ai cherché un autre moyen d’y monter. Et, là, l’idée. Mais y’a des restos, sur la Tour ! Ouais, vu le regard de l’Homme qui n’était pas tenté à l’idée de payer 500 euros par personne pour deux crevettes et trois bulles de Champagne au Jules Verne, j’ai dû affiner mon idée fissa.
Et c’est là que j’ai découvert le resto 58 Tour Eiffel. Si en journée, ce resto fait buffet, en soirée, il se transforme en vrai resto, avec une carte et y’a même la possibilité de réserver tout cela à l’avance sur le net. Rénové et réouvert en 2009, cet endroit s’est présenté à moi en véritable sauveur. Et en plus l’Homme, dès qu’on lui parle d’un resto à tenter, n’est pas des plus difficiles à convaincre.
Nous voilà donc avec une réservation en bonne et dûe forme dans la longue queue pour les ascenseurs. Sauf qu’à un moment, un des gardes nous signale qu’il n’y a pas besoin de faire la file si on a une réservation pour le resto. Il faut juste se rendre au guichet « restaurants de la tour », y donner le nom auquel la réservation a été faite, payer son ticket et… passer devant tout le monde. Apprenant cela, j’ai cru que l’Homme allait me demander ma main une deuxième fois tellement il rayonnait de bonheur. Ca vous situe le niveau de son allergie aux longues files. Ce qui fut dit, fut fait (pour les tickets, hein, pas pour le mariage).
Et nous sommes montés dans la Tour. Avec un petit de l’Homme scotché à la vitre de l’ascenseur.
Arrivés au premier étage, le restaurant s’est dressé, tout joli, devant nous. L’accueil est chaleureux, sympa et l’endroit… splendide. Simple, classe, chaud. Un cocon dans le ciel de Paris.
Une coupe de champagne plus loin, on clignote. Au propre comme au figuré. La Tour s’illumine, les flash crépitent dehors (ça, j’ai jamais compris pourquoi les gens mettaient leur flash la nuit pour photographier la Tour Eiffel, hein, mais soit, vu de l’intérieur du resto, ça donne des crépitements de partout, c’est marrant), les reflets bleus de la dame de fer se devinent dans la Seine et le Trocadéro scintille lui aussi. Et un petit de l’Homme collé à la vitre est perdu dans ses pensées…
L’Homme s’amuse, il photographie tout ce qu’il peut. Mais même la plus belle des photos ne vous donnera jamais la moitié de l’idée de l’ambiance qu’il y avait dans notre cocon… Les plats sont bons (« vraiment acceptables » dixit l’Homme, et en général, il est pas généreux en compliments quand il s’agit de son estomac), le personnel est adorable (contre toute attente dans un tel lieu) et, même si le service est rondement mené (ils ont deux services sur la soirée, donc ils doivent se débrouiller pour qu’en 2h30 le premier service soit terminé), tout est fait avec politesse, tact et doigté. On a dû les briefer sur « Paris, ville lumière » et « Tour Eiffel, lieu romantique à souhait » déclinés à toutes les sauces du parfait cliché, mais, j’avoue, ils ont superbement retenu les concepts ! Et appliquent cela avec beaucoup de talent…
Voir Paris briller, assise au chaud, un verre de bon vin à la main, ça vous réconcilie avec toutes les tours en fer du monde. Et avec une petite fille qui a longtemps gardé une Tour Eiffel miniature à côté de son lit, cadeau de son papa.
Voir un petit de l’Homme, les yeux éclatants et la bouche pleine d’un gâteau au chocolat en forme de Tour Eiffel (« je vais d’abord manger le 3ème étage, comme ça je nous tue pas tout de suite » « Ha merci, mon chéri, ça, c’est sympa ! »), ça vous fait vous dire que les lieux touristiques que vous vous échinez à éviter depuis que vous êtes adulte ont assurément leur charme aussi. Il suffit de les voir avec un regard d’enfant…
Le repas fini, nous nous sommes promenés jusqu’au deuxième étage. A cette heure, les gens sont peu nombreux et on a l’impression d’être seul au milieu du ciel, avec des tas de guirlandes qui brillent à ses pieds. Et on peut sans honte s’extasier sur un bateau-mouche tout éclairé qui passe (on a l’air couillon ? On s’en fiiiiiiiiche, y’a personne !), on peut faire la course père-fils pour savoir qui arrivera au bout de la croisée, on peut jouer à cache-cache derrière les pans de fer.
On peut même acheter une Tour Eiffel miniature en souvenir. Qui, ce soir, trônera à côté du lit d’un petit garçon…
Sur le chemin du retour, l’Homme met son iPhone en marche et nous fait écouter de la musique. Le petit de l’Homme réclame Depeche Mode…
Et dans la nuit parisienne, on entend trois touristes assumés (nous !) chanter de tout leur coeur…
« Can you feel a little love ?
Dream on, dream oooon ! »
Ca veut dire quoi « dream on », papa ?
Ca veut dire « continue de rêver », mon grand…
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