Le tonnerre et la pluie se sont déchaînés sur Bruxelles toute la nuit.
Je ne dors pas assez (c’est pas nouveau) et j’ai du mal à émerger (c’est encore moins nouveau).
Mais avant même que j’aie pu terminer ma tasse de café (qui n’est que la première d’une longue série), le petit de l’Homme s’est mis en mode « je-raconte-tout-ce-que-je-vois-même-ce-que-tu-vois-aussi-des-fois-que-tu-ne-l’aies-pas-vraiment-vraiment-vu-quoi ». Lire la suite
2 ans. Ca fait 2 ans. Que je montre, re-montre, explique, re-explique, pédagogiquement, avec patience, amour, gentillesse…
Que je montre quoi ?
Au petit de l’Homme à faire ses lacets.
Mais crise à chaque fois, refus de les faire, déclaration tranchée « mais chais pas faire, c’est tout ! », mur.
Et chaussures à scratch, histoire de ne pas le traumatiser à la gym face aux copains.
Cet été, le petit de l’Homme s’est découvert une nouvelle passion : le tennis. Il se voit déjà réincarné en Nadal-Federer (mais en mieux). Lire la suite
Il vient de perdre sa deuxième dent, celle du dessous. Il en est d’autant plus fier qu’il a dû attendre longtemps : il perd ses dents tard, ces dernières ne se sont décidées à balancer qu’une fois ses sept ans bien sonnés.
« Tu as d’autres dents qui balancent ? »
Un éclair illumine son regard, il touche ses deux dents du dessus et les fait, un peu, balancer.
« Oh, tu vas bientôt perdre tes dents du dessus aussi ! Tu vas parler comme un petit ssssssserpent ! »
Il pouffe « un sssssssserpent ? »
« Oui, c’est comme ça que ma maman m’appelait quand j’ai perdu mes deux dents du dessus ‘mon petit sssssssserpent sssssssssiffleur' »
Il éclate de rire. Un peu à cause du serpent. Mais surtout à cause de l’idée, absurde, que moi aussi j’aie pu un jour avoir 7 ans.
« Tu veux que je te raconte le film que je viens de voir ? »
Il n’a pas attendu ma réponse, il a entamé son résumé à peine dehors. Je ferme la porte de la maison, m’accroche pour ne pas glisser sur la neige. Il continue, il est tout entier à son récit.
« Ok, vas-y, fais-moi le résumé »
Mais de résumé, il n’en est point question. Au contraire, son « résumé » est plus long que l’histoire originale, il y ajoute des détails, son avis personnel sur certaines choses, ses constatations…
Je ne l’écoute pas, j’avoue. Plongée que je suis dans mes préoccupations boulot, dans mes réflexions philosophiques à deux balles, dans l’heure qui avance et qui fait que nous allons être en retard à son cours de gym, dans la gestion de la soirée, du quotidien, dans mes idées de « grande personne »… Lire la suite
Ce matin, le monstre s’est réveillé au son d’une chorale de nounours bien installés autour de lui et lui souhaitant un très joyeux anniversaire, ils se sont ensuite jetés sur lui pour lui faire des câlins à tour de rôle. Les yeux du petit de l’Homme brillaient de plaisir. Je me suis dit qu’il fallait fixer ce regard de tout petit au plus profond de ma mémoire parce que le voir s’émerveiller devant ses nounours qui parlent et chantent par mon entremise ne durera plus très longtemps…
6 ans, pile 6 ans.
Le petit de l’Homme n’est plus un bébé. Au contraire, il affirme ses goûts, ses choix, ses opinions. Il exprime ses mécontentements, ses ras-le-bol, ses trop-plein. Il ne nous ménage pas, parfois et nous ménage trop, souvent. Un enfant de 6 ans, un vrai, qui revendique sa place d’enfant, avec tous les paradoxes que cela sous-entend car un enfant… ça grandit.
Porte un vrai culte à Depeche Mode (merci à son père): « Je ne comprends pas pourquoi vous dites que je ne peux pas aller au concert de Depeche Mode, que c’est pas pour les enfants, ils savent qu’il y a des enfants qui aiment leurs chansons ? » (faudra penser à le dire à Dave, là), « J’irai à l’école des fans quand ce sera Depeche Mode ! » (ce n’est donc pas demain qu’on nous verra, l’Homme et moi, dans le public de cette émission phare, ouf), « Caaaaaan you feel, a little luuuuuuv, dream on, dream oooooon ! C’est beau cette chanson, non ? » (en hurlant de préférence)…
N’est pas un très grand fan de l’institution qu’est l’Ecole: « Dis, ça va pas, là. Mais ça va pas du tout. Ca fait UNE semaine que je suis rentré. Et ça fait UNE semaine qu’on n’a pas joué à l’école ! Mais c’est nul, la première ! » (avec la moue du gars à qui on a fait une très mauvaise blague), « Tu sais ce qu’il y a de bien dans les classes vertes ? Non ? C’est qu’il n’y a PAS DE DEVOIR » (il irait donc bien en classes vertes toute l’année et l’assume), « Pourquoi il y a deux pages d’écriture ? Mais une ça suffit ! » (on est d’accord mais la maîtresse en a mis deux, voilà), « Les math, c’est trooooop facile, je sais les faire, pas besoin de faire le devoir, là » (bien essayé, jeune homme, mais ça marche pas)
Est fan des nouvelles technologies: « j’ai pris ton iPhone pour téléphoner à papa car je ne trouvais pas le papier pour l’imprimante et je veux imprimer mon dessin de Oui-Oui » (véridique, son père ne s’en remet toujours pas), « tu me donnes ton code iTunes ? Alleeeeez, je veux télécharger un jeu ! » (et le code de ma carte de banque, tu le veux aussi ?), « Je prends ma DSi, hein, on va jouer en réseau avec Emma ! Un câble ? Pourquoi un câble ? M’enfin, on a le bluetooth ! Et puis c’est quoi, un câble ? » (laisse tomber, ta mère est un dinosaure), « C’est trop nul, on n’a pas de Blu Ray » (hein ??!!), « Tu sais jouer à ce jeux sur la DS ? Tu veux que je te montre ? Je vais mettre le niveau facile, hein, c’est mieux pour toi » (plusieurs adultes se sont entendus dire ça, en public, ça fait toujours plaisir), « Trop cool, je veux le Super Mario Bros pour la Wii, c’est vraiment un jeu TROP génial ! » (pourtant il n’a pas croisé de Wii addict ces derniers temps et ne lit pas le blog de Flo, ou alors il me cache des trucs)
N’entend pas déménager à Paris (où son père travaille) mais il aime l’endroit: « c’est trop bien Paris, c’est plus joli que Bruxelles, y’a plein de manèges et un funiculaire » (forcément, quand on est à Paris, faut que je l’occupe et le funiculaire de Montmartre est un must), « Oui, je sais, oui, tu venais ici quand tu étais petite, tu me l’as dit 10 millions de 10 millions de fois » (ndlr mon père vivait à Paris quand j’étais petite, j’y ai plein de souvenirs mais, visiblement, je deviens gâteuse, je les lui raconte en boucle), « Ben c’est simple, pour aller là, on prend ce métro-là, hein, tu me suis ? » (j’en suis restée bouche-bée, il avait raison), « Non, je ne veux pas aller à l’école à Paris. Tu sais pourquoi ? Parce que je devrais quitter mon amoureuse. Et ça fait 3 ans que c’est mon amoureuse, ça fait vachement du temps. Alors je peux pas partir comme ça, on serait trop tristes ! » (il pense d’abord à son amoureuse avant ses copains, je fonds…)
A des goûts esthétiques très affirmés: « C’est moche chez nous. Vraiment, il faudrait tout changer. Mais ça va, hein, sois pas triste, c’est encore plus moche chez Tante C » (me voilà complètement rassurée), « Dis, à quoi il sert le bouton sur ta casquette ? A rien ??!! Ha. Parce que c’est rigolo, oui, mais c’est pas beau » (asséné ce matin même, merci mon chéri) « On peut pas dire que c’est moche et nul ? Ha, je dois dire que je n’aime pas, c’est plus poli ? Ben j’aime pas, alors » (au moins j’en ferai un mec diplomate)
Et le reste à l’avenant, ça cause, un petit garçon de 6 ans…
Ce matin, comme tous les matins, j’ai été le conduire à l’école. En revenant, je me dirige vers la cuisine pour me faire un café avant de m’installer pour écrire. Et, là, sur le mur peint à la peinture spéciale tableau, je lis…
Ecriture maladroite d’un petit garçon de 6 ans, venu mettre sur son espace à lui la date du jour J pendant que je me maquillais. « Tu as accouché il y a combien de temps ? » « Ben il y a 6 ans, mon chéri » « Nan, déjà ! »… Oui, déjà, tu le dis toi-même, mon amour…
Il y a deux jours, arrivés à l’école, je l’ai vu me faire un bisou vite fait et courir derrière un copain pour rentrer avec lui en classe. Les mains dans les poches, le cartable sur le dos, il discutait avec passion. Me laissant moi derrière la grille.
Il grandit trop vite…
Il rentre dans le couloir, je m’apprête à partir et, là, je vois une petit silhouette qui ressort, porte la main à sa bouche et… m’envoie un énorme bisou avant de s’engouffrer à nouveau dans l’école.
« Tu sais, maman, à 6 ans, on est encore un tout petit peu petit quand même »
Je sais et… Heureusement, mon amour, heureusement…
– « Tu sais, pour bien marcher, il faut regarder par terre et éviter les grosses pierres »
– « Et si je regarde mal et que je ne parviens pas à éviter une pierre ? »
Il me regarde en serrant fort ma main dans sa petite main à lui et ses yeux gris virent au bleu-sérieux…
– « Ne t’inquiète pas, je serai là pour te rattraper… »
Il est des jours où le coeur déborde, où l’on se dit que des pierres, le sol de la vie, putain, en est jonché de très, trop, nombreuses, mais qu’on est adultes, qu’on va assurer, hein…
Le 23 septembre 1994, j’écrivais cette seule phrase dans mon journal intime:
« Aujourd’hui, je suis plus triste qu’orpheline »
Mon papa venait de décéder.
Un papa qui brûlait la vie par les deux bouts, qui vivait la nuit, qui avait un parcourt tellement différent des autres papas normaux que je m’étais habituée à être extrêmement évasive sur sa vie, sa manière d’être, ses choix…
Comme l’explique si bien Melissa dans son dernier et très bel article, notre père est le premier homme de notre vie. Celui qui façonne notre vision des hommes, celui qui façonne aussi la femme que l’on sera, l’amoureuse que l’on deviendra.
Hé bé, le mien m’a pas ratée.
Ma vision des hommes est un peu chaotique, ma vision de l’amour l’est plus encore.
Et ne parlons pas de ma manière de faire confiance au sexe opposé. C’est pas grandiose.
Non que je sois jalouse, même pas (et l’Homme me l’a déjà reproché, ce manque de jalousie, c’est pas mal de voir parfois votre tendre moitié vous prouver qu’il/elle tient à vous en piquant une petite crise, histoire de marquer le coup), j’y arrive pas, mais juste que j’ai pas confiance fondamentalement en l’honnêteté du sexe dit fort (quelle jolie expression à la con, tiens !).
Monsieur vous dit qu’il vous aime ? Allons bon, ricanez un coup, il le dira à une autre demain. Il vous dit qu’il veut s’engager ? Marrez-vous, il a certainement peur d’être seul. Il vous trouve extraordinaire et murmure que vous êtes la seule, l’unique ? Pouffez et dites-vous qu’il y a des milliards d’autres uniques potentielles pour lui sur cette terre.
Argh. Je sais, chuis pas drôle.
Justement, c’est fort triste d’être pas drôle comme ça.
Et je me dis que je détesterais que le petit de l’Homme pense la même chose une fois devenu grand. Ca, ça me tuerait. Et puis, il aurait pas le droit. Car lui, la première femme de sa vie, elle l’aime énormément. Et il ne pourra que croire en toutes les femmes qu’il croisera, ça, j’vous jure !
Qui plus est, il me réconcilie avec l’amour chaque jour. Et là, ça devient plus drôle, plus léger…
Je me souviens d’une discussion sur twitter autour des arguments pour ne pas avoir d’enfant. Chacun son choix, et je conçois à merveille qu’on choisisse de ne pas en faire (ben oui, oui, franchement, oui, c’est pas parce que j’en ai un et que ça me comble de bonheur que ça doit combler le reste de la planète, hein).
Mais voilà, mon seul et unique argument pro-maternité est un regard. Un seul regard qui me fait comprendre l’amour à l’état pur, à l’état brut. Et ce regard, il appartient à mon fils. Personne d’autre ne m’a jamais regardée de cette manière, jamais. Ca donne le vertige et ça fait même suffoquer, parfois. A en perdre pied tellement c’est absolu, intègre, puissant.
Et je ne veux pas que ce regard perde cette intensité trop tôt. Il la perdra, oh oui, je ne me fais pas d’illusion, mais j’aimerais tant que ce soit le plus tard possible…
Dans une chanson des années 90 (une chanson à texte comme on n’en fait plus, c’est ma minute « culture de boîte de nuit », digne des 3 minutes kitsch de Fred, savourez), la chanteuse disait « you got the love I need to see me through » (du texte, du vrai, je vous avais prévenus, hein).
On a tous (et toutes) besoin de se voir au travers de l’amour de l’autre, c’est vital. C’est cela qui fait avancer l’humain, qui fait s’épanouir l’enfant. Le regard encore et toujours.
J’ai dû regarder mon père comme cela un jour. C’est juste dommage que je ne m’en souvienne plus. Il m’a peut-être même regardée en ayant lui aussi cette sensation que personne d’autre ne le regarderait jamais de cette façon. Je ne le saurai jamais.
Je garde de lui des yeux bleus, des doigts de pianiste, un nom imprononçable et un caractère fantasque au possible (bon sang ne saurait mentir). Et cette envie rageuse de regarder un homme avec un regard absolu.
Merci papa…
Et 15 ans après, malheureusement, je suis encore et toujours plus triste qu’orpheline…