Patriotisme et religion

Le petit de l’Homme a de chouettes copains.

Et, donc, comme il a de chouettes copains, il les invite à dormir à la maison. Surtout quand ses copains sont au même stage que lui et que, comme à la base ils vivent en France, c’est carrément la fête qu’ils puissent venir passer la soirée et la nuit à la maison.

Je récupère 4 gamins survoltés au sortir du stage cirque-multisport (oui, ça ne s’invente pas, mais on est très forts en Belgique pour faire faire des stages aux noms décalés à nos gamins, l’année passée le petit de l’Homme avait fait néerlandais-piscine. Bonheur, maintenant il peut se noyer en flamand !).

Comme je passe de mère d’enfant unique à mère de 4 gamins sans transition aucune (d’habitude, on a un peu plus de temps pour s’y faire, non ?), je me noie dans leurs compte-rendus, considérations et réflexions philosophiques (« Moi, je voudrais être une miette de pain, comme ça je pourrais tomber là, je me ferais pas mal, on me verrait pas, mais je verrais tout ! » en est une qui m’a laissée admirative, je dois bien avouer)…

Nous traversons le parc quand la plus grande des trois demande au petit de l’Homme quel est l’hymne national de son pays.

Il ouvre de grands yeux.

« Heu, c’est quoi, un hymne national ? »

« Ben c’est la chanson de ton pays ! Tu connais pas la chanson de ton pays ? L’ami de maman, il nous l’a chantée, même qu’elle se termine par « poil aux nez ! » »

Je m’étouffe. Et m’empresse d’expliquer que non, non, la Brabançonne ne se termine pas par « poil au nez ». Même si c’est le copain de maman qui l’a dit.

[et j’ouvre ici une parenthèse destinée au « copain de maman » qui se reconnaîtra pour lui signaler que tout bon étudiant belge sait très bien que la Brabançonne se termine par « poil au vagin » et que, donc, il est prié de raconter la vérité à ces pauvres enfants, merci. Fin de la parenthèse]

Mais le petit de l’Homme insiste « j’ai un hymne national, moi ? ».

Il a la tête du gars qui se rend compte qu’il a un trésor mais qui voudrait bien d’abord vérifier qu’on se fiche pas de sa poire.

« Oui, tu as un hymne national. Chaque pays a un hymne national »

Et ses copains d’entamer, magnifiquement, la Marseillaise. Je chante avec eux.

« Ben, tu connais aussi ? »

Oui, je ne connais pas la Brabançonne, mais je connais la Marseillaise. Mon père, qui vivait en France, me l’avait apprise. Il trouvait ça sympa.

Et là, je me rends compte que le petit de l’Homme est tout perdu. Je culpabilise. Je n’ai jamais pensé lui apprendre la Brabançonne, je ne lui ai jamais parlé d’hymne national. Pour moi, ce n’est pas un réflexe. Ma mère ne me l’a pas apprise non plus. Et cet hymne ne s’apprend pas à l’école en Belgique.

Jusqu’ici je n’en voyais pas l’utilité. Juste un réflexe patriotique que je jugeais un peu désuet et qui n’avait pas grand chose à faire dans l’éducation qu’on désire donner au petit de l’Homme. Et l’école dans laquelle il est n’arrange rien, le principe étant de faire des enfants des citoyens du monde, on ne leur apprend pas d’hymne national quel qu’il soit.

Je lance ce que je viens de vivre sur Twitter. A savoir que sur 4 enfants, les 3 enfants français connaissent leur hymne national et le petit belge ne sait même pas ce que c’est.

Je me vois répondre par plusieurs personnes que c’est une bonne chose. Pour le petit Belge, s’entend. Que la fierté nationale, ce n’est pas cela.

Ok, mais dans un pays qu’on voit se déliter chaque jour plus, dans un pays où on déplore les réflexes communautaristes de certains, dans un pays où on crie au scandale car le premier ministre ne connaît pas la Brabançonne (pire, il se trompe et chante la Marseillaise), y’a pas comme une grosse, grosse contradiction, là ?

Moi non plus, je ne connais pas la Brabançonne, moi aussi, je chante mieux la Marseillaise, je ne vaux pas mieux que Leterme, pour finir !

On est combien qui auraient pu la chanter à sa place, cette fichue chanson ? Hein ?

Alors, soyons cohérents un minimum, soit on l’apprend, soit on ne lance pas des hauts cris si personne (pas même un ministre) ne sait la chanter.

Les enfants, eux, ne se sont pas embarrassés de toutes ces réflexions. Je ne sais pas très bien par quelle transition ils sont passés mais ils ont trouvé un nouveau jeu. Qui consiste à jouer à « Jésus sur la croix » : il faut écarter les bras très fort et faire la plus horrible des grimaces en avançant. Au grand effroi des passants.

« Non mais attends, tu as pas l’air d’avoir assez mal, là, tu as quand même des clous dans les mains, ça fait vachement mal, des clous dans les mains ! »

(de fait, je voudrais pas tenter l’affaire)

Je touche du bois pour qu’on ne me pose pas de questions sur le catéchisme, que je ne maîtrise pas mieux que la Brabançonne.

Et je me marre. En 20 minutes de trajet, ils ont abordé les deux sujets qui ont certainement été à l’origine du plus grand nombre de morts sur la planète.

Sauf qu’avec eux, personne n’est mort.

Sauf de rire, peut-être…

 

(Ce texte fait partie de la série lancée par le Pari de Marie)

10 Commentaires

  • Moi je la connais. Mais c’est parce que j’étais chez des scouts bien bien réacs, avec lesquels on allait à la messe aussi! 🙂 donc voilà, je te laisse juge!

  • valy

    Je dois bien avouer que d’emblée c’est l’air de la marseillaise qui me vient en premier mais comme les 3 monstrueuses sont aux scouts (réacs ?) elles l’ont apprise et chantent la brabançonne au lever du drapeau lors des camps scouts (euh guides)

  • La seule version que je connais c’est la version étudiante classé « X » (ou PEGI 18). et pour la version original je ne connais que la fin « Le-e roi, la loi, la liberté… Le-e roi, la loi, la liberté… poil au nez » (par contre je suis pas sur des 3 derniers mots)

  • David, dans mes bras, c’est de cette version-là dont je parle en disant qu’elle se termine par « poil au vagin » ! C’est la « Brabançonne d’une putain » !

    Haaaaaaa, on reconnait les gens de culture, hein ! 😉

  • Anne, Valy, le pire, c’est que j’y ai été aussi, moi, aux guides !

    Mais je n’ai pas appris (retenu ?) la Brabançonne !

    Je ne devais pas être dans une troupe assez réac, tiens…

  • J’avoue que le fait que Leterme ait entonné la Marseillaise m’a vraiment choquée, et j’avoue aussi ne pas connaitre la Brabançonne. Mais si une seule personne doit la connaître, c’est bien le Premier ministre…

  • Dominique

    La Brabançonne s’apprenait autrefois à l’école et il n’y a pas un siècle (j’ai 47 ans),
    on devait la chanter à l’école primaire pour la remise des prix (j’habitais BXL à l’époque)
    Juste pour toi voici les paroles,on la reprendra tous en choeur demain matin 05h00.

    Ô Belgique! Ô Mère chérie! A toi nos coeurs, à toi nos bras,
    A toi notre sang, ô Patrie Nous le jurons, tous, tu vivras,
    Tu vivras, toujours grande et belle, Et ton invincible unité, Aura pour devise immortelle
    Le Roi, la Loi, la Liberté

    PS Quel plaisir de te lire au quotidien.

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