Aux enfants morts sans raison…

Je dois courir, j’ai encore du boulot mais je le terminerai plus tard.

Ne pas arriver en retard surtout, ne pas arriver en retard.

Il fait froid, il pleut à verse, je suis crevée… Mais le petit de l’Homme m’attend. Avec impatience. Heureux. Excité.
Ne pas lui faire défaut surtout.

J’arrive à l’école, je le cherche, je m’énerve déjà. Il y a un monde de fou. Partout. Un bruit constant.
Je veux la paix. Je me dis que j’ai encore du boulot, des choses à vérifier, que j’ai autre chose à faire que de venir à une fête d’école.

Je tourne en rond en le cherchant, rencontre d’autres parents, ma cousine qui a ses enfants dans la même école…
Je suis crevée. On est vendredi soir, je veux la paix, je veux la paix.

Le petit de l’Homme me tombe dans les bras, surexcité, son père se fraye un chemin vers nous…

« Ca va être l’heure de la chorale de Noël, tu viens m’écouter ? »

Me taper la cohue avec les autres parents sous le préau de l’école pour écouter des gamins qui ne chantent pas tous juste, avec la pluie qui tombe par seaux… Je sens le découragement m’envahir… et le mot est faible…

« Va l’écouter déjà, je te rejoins » m’entends-je dire lâchement à l’Homme…

Je rentre dans le réfectoire de l’école, d’un coup nettement plus calme vu que tout le monde se bouscule dehors.
Je prends mon temps, savoure le semi-calme, avise une table vide et une place assise.
Je m’installe.
Je réouvre Twitter sur lequel je m’étais déjà plainte plus tôt de l’horreur que sont les fêtes d’école.

Et là…

Une nouvelle…

« Un homme a ouvert le feu dans une école primaire du Connecticut, en faisant au moins 20 morts (27 selon certaines sources) en majorité des enfants de moins de 10 ans »

Je me relève, sonnée, me dirige vers la sortie, la pluie, le froid, la cohue et le bruit.

Les chants de Noël s’élèvent, les voix d’enfants se font écho.

Le petit de l’Homme trône au milieu de ses camarades de classe. Sérieux comme un pape, absorbé par l’importance de l’instant.

Mon ventre se serre.

Dans certains endroits du globe, des gamins crèvent sous les balles parce que leur président est un dictateur, parce que leur pays est en guerre…

Dans d’autres endroits… simplement parce qu’un malade a décidé de les décimer. Parce que les lobbies des armes sont trop puissants et se fichent que leurs merdes ôtent la vie de gamins de 9 ans…

9 ans comme le mien. Qui s’époumone à chanter un chant de Noël, d’amour et de paix de tout son coeur.

L’horreur, elle n’est pas ici, dans cette fête d’école.

L’horreur, elle est dans le Connecticut, dans une autre école primaire, avec d’autres gamins qui étaient peut-être eux aussi fiers comme Artaban de bientôt chanter devant leurs parents.

Je vomis les connards qui défendent leur droit de tuer au nom de prétextes fallacieux.

Et je m’accroche au regard du petit de l’Homme, à son chant de Noël, de paix, d’amour et d’innocence…

Mais je me demande… Combien de temps lui reste-t-il encore avant de comprendre que ce ne sont que des mots ?

 

 

(Ce texte est dédié à la mémoire de ces enfants morts pour rien…)

3 Commentaires

  • Ici aussi hier c’était le marché de Noël de l’école de Choupet, beaucoup trop petite pour contenir tous les enfants, et en moyenne deux membres de leur famille en plus. Et le niveau sonore était à son comble, il faisait chaud, je me revois dire à mon Homme « c’est bon, on peut rentrer, c’est l’horreur. Et qu’est-ce que les gamins m’agacent quand c’est pas le mien ! ». Et on est rentré, et j’ai ouvert Twitter, et… benh comme toi. :'(

  • @Sabrina
    Oui, c’est exactement ça… Exactement…
    Et, là, on se rend solidement compte combien on a de la chance de ne devoir se plaindre QUE du monde à la Fête de Noël de l’école !

    @Stéphane
    Merci !

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