T’y crois, toi, au Prince Charmant ?

L’Homme me regarde avec le regard du condamné à mort qui se dit qu’il ne lui reste plus que quelques minutes avant l’injection létale. Mais je tiens bon : « On y va ? »

Il enchaîne sur la râlerie « On va arriver en retard, tu vas voir, et puis y’aura pas de place pour se garer dans le quartier, ça va être galère ».
Je reste calme : « C’est fort probable, oui. N’empêche, on y va. »
Il me suit avec des pieds de plomb.

Je l’emmène à une soirée boulot, à la projection d’un documentaire, pièce maîtresse d’un projet sur lequel je suis depuis plus d’un an. Et quand on sait que le docu s’appelle « A la recherche du Prince Charmant », on se dit que l’Homme a toutes les raisons d’être à cette projection.

Quoique…

Est-ce que l’Homme est mon Prince Charmant ?

Bosser sur ce projet m’a fait me confronter à cette question. Que je ne m’étais jamais posée par ailleurs.
Pourtant je connais mes classiques : mon beau-père nous lisait des contes quand on était petits à mon frère et à moi. Je suis donc incollable sur Cendrillon, Blanche-Neige, La Petite Sirène et un tas d’autres contes que, d’ailleurs, Disney n’a jamais mis en dessins. Parce que, ces contes, je connais les vrais, ceux des livres, pas ceux du ciné. Mais pareil, la phrase « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants », je me la suis entendue répéter assez souvent.

Hé ben pourtant non, le Prince Charmant qui va te faire vivre heureuse ad vitam aeternam, j’y ai jamais cru. Peut-être parce que je suis une enfant du divorce et que ce divorce est intervenu très tôt dans ma vie. J’ai donc su très vite que le couple est une espèce de système très volatile alors même que je ne savais pas encore vraiment ce que le mot « couple » recouvrait. Pas grave, notez, on n’est jamais trop jeune pour apprendre des choses qui vous serviront plus tard.

Bref, quand j’ai rencontré l’Homme, j’ai pas imaginé une seule seconde lui coller le doux nom de « Prince Charmant ». Pourtant j’étais sûre et certaine (allez comprendre) que c’était l’homme de ma vie, celui avec qui j’allais vivre des grandes choses, de préférence complètement géniales (et non, pondre des gamins et se marier n’en faisaient pas partie, j’avais une idée du « génial » un peu plus élevée que 99% de mes concitoyens). Il était beau, drôle et voulait bien porter mon sac jusqu’au bus, c’était fabuleux et la vie était belle. Pour moi, le couple, c’était une sorte d’évidence qui découlait du coup de foudre que j’avais eu pour lui (le Seul, l’Unique) et cela me garantissait le bonheur total sur un tapis volant pour des siècles et des siècles (amen).

Ok, j’avais 18 ans.

Quelques années plus tard (mettons un peu plus de 20, le premier qui me rappelle que j’aurai 40 ans dans 4 mois se verra maudit jusqu’à la 9ème génération), l’évidence a solidement changé.
Parce que, d’abord, d’évidence, il n’y en a plus. Ce qui rend la chose un chouïa plus compliquée. Et puis ensuite parce que j’ai fait comme les 99%, je me suis mariée et j’ai eu un gamin. Pour le génial, on attendra ma prochaine réincarnation.
Et enfin, parce que j’ai compris deux choses essentielles à la vie d’un couple :

le couple ne découle pas d’une évidence, il découle d’un CHOIX. Pourquoi certains couples restent ensemble alors que d’autres se séparent ? Ben parce que certains ont choisi de rester ensemble et d’autres pas. C’est trop simple ? Certes, mais y’a pas plus vrai. Du choix découle l’effort, l’énergie qu’on met dans son couple pour le garder vivant et heureux. Si on ne choisit pas, on subit. Et personne (à part les masochistes au dernier degré, mais eux choisissent de souffrir) n’aime subir toute une vie. L’humain a ses limites. Et à un moment, ces limites se voient dépassées et ça pète. Bam. Circulez, y’a plus rien à voir.

parce qu’un couple heureux, ce n’est pas un couple qui ne vit aucune épreuve. Un couple pour qui tout roule, tout le temps, partout. Ca n’existe pas, ces couples-là (oui, les filles, même Brad et Angelina vivent des tas de merdes au quotidien et je vous fiche mon billet que Ryan Gosling est certainement un être extrêmement chiant à ses heures). Non, le couple heureux, c’est le couple qui sait qu’il l’est. Et qui donc sait qu’il ne l’a pas toujours été ou qu’il ne l’est pas 24h/24. Le couple heureux, c’est le couple qui a vécu des crises et qui les a dépassées. Même parfois des trucs trash, c’est pas le rude de la crise qui compte, c’est la manière dont on le dépasse.

Et c’est là qu’on peut même faire un mix de mes deux points : les deux personnes du couple ont choisi de dépasser les crises et de rester ensemble. Quand je dis les deux, ce sont les deux. Pas un, pas un et demi, pas un trois quart, DEUX. C’est mathématique sinon ça coince.

Voilà. A presque 40 ans, j’ai compris qu’un couple, ce n’était pas juste avoir le coup de foudre pour un mec mignon, drôle et qui porte votre sac. Que le couple, c’est aussi choisir de rester avec ce mec même quand il est nettement moins mignon, qu’il est à pleurer et qu’on a envie de lui balancer son sac à la gueule. Et, pire, que ledit mec, il a CHOISI de faire exactement pareil.

Bref, le couple, c’est le choix de deux personne en même temps, pour la même chose. Autant vous dire que parfois, ça tient carrément du miracle.
Et donc cela n’a rien à voir avec un quelconque Prince Charmant.

L’Homme s’est assis dans la salle. Il a repris son air de martyr.
Et pourtant… en sortant de la projection, il aura ri, m’aura flanqué trois coups de coude (« oh, hé, c’est vrai, ça, c’est tout toi ! ») et aura été ému au point de me filer un bisou en douce.
Pari gagné, j’ai bien fait de l’emmener.

Alors si vous aussi, vous voulez voir ce documentaire, si vous voulez démystifier ce fichu Prince Charmant (et cette fichue Princesse Charmante pour les mecs), rendez-vous ce lundi soir, sur la RTBF, à 22h15.

Et si vous voulez le voir avant tout le monde, rendez-vous ce lundi également sur le site du Prince Charmant dès 20h00 pour voir le documentaire en avant-première et chatter avec les réalisateurs, le sociologue Jean-Claude Kaufmann… et moi aussi, un peu.

Pour en finir une bonne fois pour toute avec ces fichues idées de contes de fées !

(Le documentaire repassera sur La Deux samedi 22 décembre à 21h05)

 

 

5 Commentaires

  • Anne Jo

    Tu sais que tu m’as tiré une larme??? Tu sais encore une fois mettre les mots justes sur les jolies choses. Les moins belles aussi. Parce qu’à elles 2 elles sont notre vie.
    Et qu’on a une sacrée chance de les voir ainsi!!!
    Merci bientot vieille branche!!! ( moi prem´s)
    Et j’y serais ce soir!!!!!

  • @AnneJo

    Toi, t’as une chance folle que je ne t’ai pas sous la mains, là, tout de suite, je serais capable de te rouler un patin !!!

    Merci, AnneJo, merci mille fois <3

  • J’aurais aimé lire cet article avant et ainsi voir le docu… mais bon, c’est raté, le hasard avait du retard.
    En tout cas j’ai beaucoup apprécié cet exposé sur le couple, une réflexion admirable sur une notion que je n’ai compris que tout récemment, lorsque mon père est mort d’un accident tellement inattendu (normale pour un accident) et surtout si improbable qu’il bouscula toute la vie de notre famille…
    Pour ma part, j’ai aussi été nourrie de contes que me raconté mon père (et je possède les versions non expurgées des conte de Grimm, Andersen et même de Perrault bien que ce dernier fut un plagiaire) mais étrangement, ceux qui m’ont le plus marqué sont ceux qui finissent mal, ainsi donc le prince charmant n’a jamais fait parti du programme de ma vie 🙂

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