17 ans, et tout sauf une victime

(La photo de couverture de cet article a été très compliquée à choisir et n’est pas celle que le petit, devenu l’ado, de l’Homme aurait choisie et qui se retrouve un peu plus bas. Mais j’ai opté pour une qu’il a lui-même prise, car elle représente non seulement un de ses talents, mais également ce qu’il est au moment même où j’écris cet article, la veille de ses 17 ans)

Quelle drôle d’époque pour t’écrire un texte d’anniversaire.
Tu viens de descendre nous dire que c’est ta dernière nuit de mec de 16 ans parce que ta meilleure amie vient de te le rappeler (spéciale dédicace à celle qui se reconnaitra).
Quelle drôle d’époque pour entamer ses 17 ans.
A ton âge, ton père tombait amoureux de moi (oui, je sais, c’est pas ton rêve, mais je te signale qu’on ne choisit pas l’âge auquel on rencontre la personne qui fera un long chemin avec vous, si un jour on la rencontre) et la vie semblait vachement plus simple.
Pourtant, dans le fond, nos envies et questionnements étaient exactement les mêmes que les tiens. Mais, oui, nos moyens de les envisager et de les réaliser étaient clairement très différents des tiens actuellement.

Pourtant, non, je ne hurlerai pas avec tous ces adultes que tu es une pauvre victime de la situation.
Non, Lou, tu n’es pas une victime.

Certes, la situation est grave, préoccupante, troublante, perturbante.
Certes, tu dois vivre des choses que je n’aurais jamais imaginé que mon bébé-tout-rose (à l’instar de la planète entière) doive vivre un jour.
Certes, je te vois te lever et embrasser la vie tous les matins avec une résilience et un courage qui forcent mon admiration.

Je découvre que mon bébé est résilient.
Je découvre que mon bébé est créatif.
Je découvre que mon bébé est moins drama queen que 100% des adultes.

Mais non, non, t’es pas une victime.

D’abord, parce que ça serait une insulte pour les gens (et bien d’autres ados) qui sont vraiment gravement victimes de cette crise. Qui voient leur santé, leur vie, leur futur s’écrouler. Comme tu le dis toi-même, tu n’es pas du tout à plaindre. Tu as une maison confortable, une famille aimante et attentive, des amis présents, des adultes autour de toi qui se préoccupent de ton bien-être et de ta santé (mentale comme physique) ainsi que de ton éducation. Tu es encore parti en vacances, tu as encore pu profiter d’un paquet d’activités, tu as pu même expérimenter de nouvelles choses.
Cette crise a certainement mis ton monde sens dessus dessous, l’a clairement limité, t’a empêché de vivre certaines expériences, t’a fait traverser des montagnes russes émotionnelles, aussi, surtout.

Mais, permets-moi d’insister, elle n’a pas fait de toi une victime.

Car, ensuite, te traiter comme telle, en fait, ne te rendrait pas service. Te coller cette étiquette te ficherait au sol, ferait de toi une sorte de petit pantin secoué par les événements, incapable d’y faire face, de s’y adapter, de les appréhender. Et ça, c’est tout sauf toi.

Je t’ai vu et te vois encore chaque jour trouver des ressources pour faire face à la situation changeante, t’emparer des conditions qui te sont données pour créer encore et encore des solutions qui te permettent d’avancer, de vivre, d’expérimenter. Avec une force, une énergie et un culot que je t’envie.
Pourtant, faut bien avouer que, même si nous t’entourons et t’aimons de toutes nos tripes, nous ne sommes pas, ton père et moi, tes meilleurs alliés dans la bataille : nous te mettons des bâtons dans les roues, nous exigeons de toi que tu respectes des règles extrêmement contraignantes. Bien plus que tous les ados qui t’entourent (parents nazis, bonjouuuuuur).
Nous ne le faisons pas par pure envie de t’ennuyer (wé, j’te jure !), même pas non plus pour « respecter la loi », mais parce que nous sommes convaincus que c’est la chose à faire et parce que, même si cela te demande une énorme adaptation et un vrai courage aujourd’hui, nous savons clairement que cet apprentissage te servira toute ta vie.

Aujourd’hui tu apprends à comprendre le monde qui t’entoure, dans son extrême complexité (et si tu comprends pas tout, pas grave, sache que 99,9% des adultes n’en captent rien non plus. Ok, c’est pas rassurant, mais c’est l’absolue vérité).
Et on va t’avouer un truc : ni nous, tes parents, oncles et tantes, ni tes grands-mères n’ont appris ce genre de chose à ton âge.
On a clairement eu le cul dans le beurre.
Seuls tes arrières-grands-parents auraient pu t’expliquer combien ils ont dû s’adapter, combien ils ont dû trouver de ressources en eux. Et combien le monde leur apparaissait incompréhensible à leur époque. Mais combien, aussi, le soleil a brillé à nouveau fort après.
Dans une certaine mesure, ils auraient pu te confirmer que tu n’es pas une victime et que tu vas t’en sortir.
Et que non, tu ne perds pas un an de ta vie.

Au contraire, ces derniers mois, tu as appris des choses fondamentales :
A affronter une situation avec rigueur (car oui, un virus n’en a absolument rien à branler de tes états d’âme, ni du fait que tu sois courageux, rebelle, intelligent ou con, c’est un virus qui agit comme un virus, point).
A comprendre que tu fais partie d’un tout, que tu es le maillon d’une chaîne, d’une famille, d’une communauté, d’une société. Que tes actes ont des répercussions, des conséquences. Que tu peux poser ces mêmes actes, mais que tu en es, au final, entièrement responsable.
A différencier la science et tes émotions (les deux sont importants, mais il est franchement parfois préférable qu’ils te guident à des moments distincts).
A prendre du recul, de la hauteur, à choisir tes combats à la lueur de tes valeurs et pas forcément de tes impulsions ou de tes envies du moment.
A comprendre que demain arrive un jour. Qu’il sera là, à tous les coups.
A chercher des solutions, à ne surtout jamais arrêter d’en chercher (et d’en trouver, hein, tant qu’à faire).

Et surtout, surtout, à conserver l’espoir.
Tu as 17 ans, des tonnes de choses à apprendre, à réaliser, à vivre.
Je ne vais pas te cacher que ce ne sera pas toujours tout rose (mais c’est encore un truc que cette année t’aura déjà appris, donc, ça, hop, tu le sais déjà), mais je t’assure que ça sera toujours intéressant. Et que les moments de ouf reviendront.

En attendant, on va tous faire comme toi aujourd’hui : créer des moments d’exception, des moments dont tu te souviendras.
Car oui, même dans les moments ténébreux, la lumière peut surgir si on y met la force, l’amour et l’énergie.

Ca aussi, tu le sais déjà.

Pour finir, t’en connais des trucs, pour un mec de 17 ans !

A toi, mon amour.
A toi, l’ado de l’Homme.

Marie, le 11 décembre 2020

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Crédits photo : Ganaëlle et Ambre