Dialogue:
– Dis, comment ils font, les gens, pour tromper leurs conjoints ?
– « les gens » ???
– Enfin, la douce moitié qui trompe son autre douce moitié avec une troisième douce moitié, quoi. Et je ne te parle pas de cette tromperie de boîte de nuit, qui fait qu’un soir, on a trop bu, on rigole et on embrasse à pleine bouche un tiers quelconque (enfin, on l’espère pas trop quelconque, le tiers, à choisir) et qu’on se dit que le lendemain, on a trop mal à la tête, on va arrêter de sortir, oupslààà, non, je te parle de la tromperie organisée (un peu comme le crime quoi), celle sur le long terme, celle qui sait, celle qui s’avance, celle qui s’enfonce, celle qui, au final, berne tout le monde. On fait comment pour entrer dans celle-là ?
– Wouaw. On va dire que c’était pas mon jour, hein…
– Je suis TRES sérieuse.
– Tu veux t’installer dans la tromperie ?
– Non. Pas forcément. Je veux comprendre.
– Mais comprendre quoi ? Comprendre que deux personnes sont attirées, aimantées, que pour une raison ou une autre, elles se reconnaissent et cèdent à ces impondérables ?
– « Impondérables », comme t’y vas !
– Enfin, une attirance qui, sur le moment, te semble incontournable et vitale.
– Sur le moment. Ok, sur le moment. Mais ils s’y installent, s’y confortent, s’y sentent bien.
– S’y sentent bien, faut le dire vite…
– Ben justement, c’est toi qui l’avoue, ils ne s’y sentent pas si bien que ça. Et de fait, s’ils réfléchissent un chouïa, ils s’y sentent même très mal. Rien qu’à imaginer la chose deux minutes 30 centièmes, j’ai déjà du mal.
– Tu imagines quoi, toi ?
– Tous les cas de figures. Mais prenons le plus plausible, le cas de la personne prise qui sait qu’elle ne quittera pas sa tendre moitié. Même pour une troisième tendre moitié. Qui a pris cet engagement et qui le tiendra coûte que coûte. Alors, cette personne, si elle ne tient compte que d’elle-même et de son propre plaisir et qu’elle fonce, on est en droit de se demander pourquoi elle ne réfléchit pas plus loin car, de toute façon, elle commence un truc en sachant d’avance qu’en fait, elle va droit dans le mur. Imaginons que la troisième tendre moitié s’entiche de cette personne (ça arrive, non ?), paf, souffrance. Et la personne devient tortionnaire (enfin, partiellement, la troisième moitié n’avait qu’à pas).
– Ben il se peut que la troisième moitié ne s’entiche de rien du tout, hein… Juste pour le plaisir du geste…
– Ha ben dans ce cas, c’est pire, la personne n’aura été qu’un joli passe-temps pour la troisième moitié et reviendra case départ après l’aventure. Question ego, on a connu mieux que le plan cul pour se remonter le moral, tu trouves pas ?
– Je trouve surtout que je vais me reprendre un café, là…
– Ben alors comment ils font ?
– Mais comment ils font QUOI ? Ils baisent, qu’est-ce que tu veux que je te dise !
– Mais comment ils font pour foncer quand même, tête baissée ?
– Ben je sais pas, ils espèrent une autre issue à l’histoire, ils ne veulent pas en imaginer la fin, ils ne veulent garder que le début, ils… Ils… Tu sais quoi ?
– Nan, quoi ?
– Ils NE REFLECHISSENT PAS. Enfin, pas comme toi, du moins ! Et tu veux mon avis ?
– Heu… Ouais ?
– C’est parfois mieux ! Tu me saoules avec tes théories ! Je vais me reprendre un petit serré, mais bien, bien, bien serré, tu vois. Un truc corsé. Si tu veux être fidèle, sois-le. C’est très bien, ça me va. Si tu veux pas l’être, c’est parfait, ça me va aussi. Mais pitié, arrête de TOUT réfléchir et disséquer. On dirait un professeur de biologie devant la dépouille d’une souris morte. Et c’est tout sauf mort le désir, le sexe, l’amour ! Et justement, à force de tout disséquer, tu tues tout, tu achèves tout ! Y’a plus que des bouts de choses informes devant toi, là, des trucs inertes et de couleur identique, ça fout les boules !
– …
– Souris-moi un peu ?
-… ?
– Oui, juste un sourire. Même un rire si tu peux. Tout respire le printemps, même toi avec tes idées biscornues. Etends tes jambes, enlève tes sandales, et arrête de tout écorcher.
– T’as aucune conscience.
– J’en ai autant que toi, mais je ne l’étale ni ne la dissèque.
– Je n’étale rien, je réfléchis !
– Tssss, tu lâches pas l’affaire, hein ! Tu sais quoi ? Tu vas te lever, tu vas marcher jusqu’au bord du lac et tu vas respirer un bon coup. Et, là, tu écouteras ton coeur, tes lèvres, ton ventre et je t’assure… Tu sauras à qui être fidèle !!!
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