S’il est des phrases qui marquent dans une vie, ce sont bien celles prononcées dans une morgue ou dans un funérarium. Elles se gravent dans la mémoire de manière indélébile, s’y enfoncent et font corps avec la chair même de votre cerveau.
Pour moi, ce fut la phrase prononcée par l’employée de la morgue qui, en refermant le frigo dans lequel était enfermé le corps de mon père, m’a dit « Il est beau, votre papa. Et vous lui ressemblez beaucoup. »
En une phrase, elle a dit plus que mon père en toute une vie. Elle a ressoudé des parties de moi qui s’étaient éparpillées en mille morceaux. Une inconnue, perdue dans une morgue au milieu du Bordelais profond, prononçait pile la phrase qu’il fallait…
La phrase qu’il fallait pour réconcilier une fille avec son père. Une fille qui, à ce moment-là, avait juste envie de hurler, de hurler contre ce père parti trop vite, parti trop tôt, parti trop mal.
Qui l’avait abandonnée pendant l’enfance et qui l’abandonnait encore, et de manière plus irrémédiable cette fois, aux marches de l’âge adulte. Injuste, injuste, injuste.
La vie est injuste. La mort l’est plus encore.
J’ai mis du temps pour comprendre que les papas ne choisissent pas franchement leur heure pour partir pour toujours. Personne ne choisit, en fait.
Que l’Homme l’apprenne à son tour me donne envie de pleurer.
Que le petit de l’Homme en fasse l’expérience un jour me mortifie.
Alors j’espère une chose, une seule petite chose (et je m’accroche à ma petite chose de toutes mes forces, là ), c’est qu’eux aussi, ils ont/auront une phrase gravée dans la tête, dans le coeur, dans les tripes, qui les soutiendra pour le reste du chemin à parcourir sans un père penché au-dessus de leur épaule. Pour les aider quand l’absence se fait un peu lourde.
« Il est beau, votre papa. Vous lui ressemblez beaucoup. »
J’ai ricané quand elle m’a dit cela, la dame. J’aurais dû lui sauter au cou et lui hurler merci.
Je le fais aujourd’hui : MERCI.
Ces rencontres là ont toutes leur pesants d’or, dans la balance de notre vie. Ce sont ces inconnus là, qui méritent à nos yeux, d’être connus et reconnus par tous. Leur simplicité des gestes et leurs mots candides réchaufferont pour toujours tous les cœurs blessés. Ces gens là, on ne les trouve pas. Ils viennent à nous, naturellement. C’est un réconfort, une force « venue d’ailleurs » qui fait du bien.
Merci pour ce beau texte Marie. Beaucoup de souvenirs…
merci MArie!
Il y a tant de petits mots à dire…
Comme j’aurai aimé entendre une phrase comme celle-ci, il y a 9 ans, lorsque mon papa est parti.
Tu as raison : les papas ne choisissent pas leur heure pour partir. On s’en aperçoit toujours trop tard …
Merci d’avoir écrit ce billet dans lequel je reconnais un peu de ce que j’ai vécu.
A l’enterrement de maman une inconnue s’est approchée et m’a dit, « je croisais votre maman au marché. C’était une femme bien et qui était si fère de vous. Alors quand le fruitier m’a dit pour elle, je suis venue juste pour vous le dire »
Des p’tits mots….
Merci Marie pour tant d’authenticité.
@Zoltan, merci pour ce belle vision des choses.
Touchée en plein coeur devant tant d’émotion et de vérité. Je regretterai toujours au font de moi de ne pas avoir été présente dans cette période de ta vie et de ne pas avoir une fois de plus été là pour surmonter cette épreuve avec toi. Bisou ma puce
Très touchée par ton texte… J’étais avec ton frère juste après qu’il ait appris pour votre papa, c’était notre première expérience proche avec la mort et je trouvais si peu les mots…
Magnifique article. Merci!
tu me fais pleurer ma belle.
Et je veux dire ici haut et fort : « mon papa, il est beau ». Na!
Quelle profondeur, tu m’a transperse le coeur. Tant de sincerite et tellement vrai dans les moments difficile ou rien ne serait nous appaiser une personne trouve les mots justes; todo mis recuerdos llamame
J’aurais aimé avoir ce très beau recul émotionnel.. Mais voilà, mon papa a choisi une vie qui l’abîme peu à peu et qui a fichu en l’air tout les liens qui peuvent exister entre un père et ses enfants. Lorsqu’on me dit parfois que je lui ressemble, c’est à chaque fois un rappel de cette blessure, de ce gâchis.
L’échange des mots, de même que la vie, est comme une pulsation : contraction, expansion.
Parfois on est en mode « réception », on se nourrit de choses, de mots que l’on reçoit.
Parfois, on peut émettre et rayonner à son tour, c’est ce que tu fais ici. Merci !
Ca me parle, bien entendu : ça fait un peu plus d’un an que ma maman est partie. Comme j’avais reçu beaucoup, j’ai voulu rendre à mon tour, dans un hommage ( http://bit.ly/3aaA7j )
Et ce constat que je faisais déjà :
La toile humaine a ceci de particulier
Que quand une maille s’en va,
Au lieu de se déchirer
La toile se resserre.
Il suffit de lire les commentaires ici pour voir combien c’est juste.
Hou c’est beau ça…
Merci Marie pour savoir si bien attrapper ces petites pépites.
Pdt la cérémonie pour bô papa, ça fait déjà 2 mois, nous avions choisis 2 photos: notre grand gaillard, avec son cigare, ses copains, attablés au restaurant..
Et puis avec maman, entourant leurs petits enfants, pendant les dernières vacances d’été.
Deux sourires flamboyants! Parce que le souvenir c’est les rires, la générosité de leur amour.
Comme les colosses ont des pieds d’argile parfois.
L’émotion de nos hommes est dans leur fragilité.
Encore merci pour ton regard.