Même si les gares si les regards
Indifféremment nous séparent
De plus en plus souvent
Même si se tiennent ta main la mienne
Pour la fin des temps que nos vies deviennent
Celles de tous les gens
Quoi qu’il advienne restons amants
Restons amants des impatiences
Des minutes qui sont comptées
Des trésors de ruse et de science
Pour se retrouver
Restons amants des corps à corps
Des peaux qui savent où se trouver
Laissons les coeurs qui battent encore
L’un à l’autre mêlés
A l’instar des paroles de cette chanson de Maxime Leforestier, s’il est bien un rêve, un voeu qui hante tous les couples, c’est cette envie profonde de voir la beauté des débuts, cette attirance, cette légèreté, cet émerveillement, cette curiosité durer, durer, durer, durer et durer encore… Ne pas laisser cette magie et ce désir puissant s’éroder avec le temps, nous glisser entre les doigts sans avoir la possibilité d’en retenir une étincelle, un soupir, un battement…
C’est rageant. Comment faire, quelle est la recette magique qui permettra au couple de tenir sur la longueur ? De ne pas se faire rattraper par les minutes qui ont déjà décidé, les vaches, qu’elles auraient sa peau ?
C’est sur ce thème qu’a abouti la discussion avec un copain il y a peu…
– « Ne plus vivre ensemble, être ensembles, oui, mais séparés, vivre chacun dans son espace, de son côté… »
– « C’est une option… »
Et de fait, en répondant cela, l’option me tente… Vachement, vachement, soyons honnête…
Il continue:
– « Sommes-nous obligés de vivre ensembles, ne peut-on réinventer les choses ? N’y a-t-il qu’un seul schéma acceptable, qu’un seul chemin à suivre ? »
– « NON ! »
Si j’avais pu hurler mon NON plus fort sans passer pour une grosse impolie qui ne sait décidément pas se tenir au resto, je l’aurais fait… Il venait du plus profond de moi et remontait, grosse vague, à la surface. Non au chemin tout tracé, non au schéma à suivre, c’est évident…
C’est d’ailleurs d’une telle évidence que l’Homme a enfoncé le clou 3 jours plus tard. Exilé volontaire pour un nouveau boulot à Paris, il est revenu en me disant (attention, phrase importante, l’Homme parle peu de ce qu’il se passe dans sa tête, ou alors il le fait entre deux phrases anodines et il m’a fallu des années d’entraînement pour saisir ZE phrase importante, donc, là, je vous la livre après décryptage): « tu sais, le fait d’être envoyé à Paris, éloigné de toi, de vous, met les choses en perspective, je me rends compte des priorités, de mes priorités… »
Outre le fait que cet homme se rende compte que sa femme et son fils sont ses priorités (alléluïa, merci d’être passé dans le coin, mon Dieu !), on peut se dire que l’éloignement, la vie pas forcément en commun peuvent avoir vraiment du bon sur les liens qui unissent un couple. Que cela les renforcerait, même. Et j’ajouterais même que, vu ma réaction à moi quand l’Homme est rentré (le premier qui me demande un dessin, je le remballe potasser le KamaSutra), cela ravive le désir.
La séparation comme solution à l’érosion du couple. Bon plan.
Et c’est de cette vision que je discute avec mon amie Véro, pendant une après-midi « mission-commando-ne-nous-laissons-pas-abattre-par-la-grisaille-ambiante-et-nos-humeurs-de-chien » ( en gros: papotons pendant des heures en nous goinfrant gaiement, prétextant que c’est la seule chose qui nous soulagera de nos misères en ce bas monde )…
Et là, elle me sort:
– « Chuis pas trop d’accord avec cela, moi… Je trouve que le mariage, de nos jours, c’est un vrai défi, un beau défi… ! »
– « … ? »
– « Ben oui, même si au final ça marche pas, on aura relevé le défi, tenté l’affaire, on se sera mouillé, engagé, je trouve ça fort, moi ! Signer quelque chose, oser formaliser, y aller à fond… Oui, vraiment, c’est un défi ! »
– « Heu, tu sais, la plupart des gens ne voient pas ça sous cet angle, hein, ils se marient parce que c’est comme ça, au mieux pour faire la fête, au pire pour faire comme tout le monde, rarement pour relever le défi de l’extrême… »
– « Oui, je sais. Chuis peut-être la seule à penser en ces termes d’ailleurs, ai parfois des idées un peu space, moi… Mais je maintiens que, à mes yeux, le mariage est un défi pur et dur et que si on réfléchit en ces termes, c’est splendide de le relever. »
De fait. Me suis pas mariée pour faire la fête, ni pour faire comme tout le monde, mais néanmoins, j’ai jamais pris ça comme un défi. Enfin, ça m’est pas apparu comme tel à l’époque.
Et pourtant, non seulement signer, formaliser, mais, au delà, vivre avec l’être aimé, au jour le jour, supporter les travers, le quotidien, les grincements, les crispations, tout cela en tenant bon, en continuant à voir en l’autre le positif, la beauté, les pétillements, le constructif, ce n’est clairement pas quelque chose d’aisé à faire.
Et à l’époque où l’on envoie des pauvres gens sur une île déserte passer des épreuves atroces et manger trois grains de riz et un criquet tout en les filmant pour voir s’ils vont tenir le coup, à l’époque où l’on demande à d’autres gens de faire le tour de la planète avec 3 francs 6 sous en poche et sans voiture s’il vous plaît, à l’époque, toujours, où l’on vous demande de plonger la main dans un bac rempli de mygales pour en tirer une clé ( haaaa, si ça c’est pas du défi, ça, braves gens !), on vient me dire que tout cela, c’est de la gnognote. Vivez en couple, les amis, CA, c’est du défi ! Koh Lanta, Pekin Express, Fort Boyard réunis et, ce , tous les jours !
Je me suis d’un coup sentie la femme la plus puissante, la plus incroyable de mon époque. Mon ego s’en est toujours pas remis. Je relève le défi de la vie à deux. YEAH !
Pas coton, notez.
Mais si, de toute évidence, l’éloignement me fait entrevoir que je tiens à l’Homme autrement que pour son incroyable capacité à récurer un plat à gratin (pour ça aussi, d’accord, mais pas que, quoi), et que cela va peut-être me permettre d’aller le violer par surprise sous un porche parisien (bon, évidemment, s’il lit ceci, c’est fichu, tant pis, je tenterai l’affaire sur un bateau-mouche), je me rends compte que c’est au quotidien, quand il reviendra (car il va revenir, si, si, siiiiii), que la vie prendra tout son sens.
Elle a pas tort, ma copine.
Mais en y réfléchissant, il n’a pas tort non plus, le copain.
Car, un défi, ce n’est pas quelque chose qu’on suit, de tout tracé, de banal. C’est quelque chose qu’on relève et, par là, qu’on prend à bras-le-corps, d’assaut, qu’on attaque, qu’on empoigne !
Un chemin choisi, assumé et, même, créé, inventé aussi souvent. Qui justement sort des schémas s’il est pensé, réfléchi, vu avec ce recul si nécessaire à une vie menée en dehors du troupeau.
Les deux ne sont pas incompatibles.
Restons amants, oui.
Mais restons amants en partageant le même WC , la même vaisselle, les mêmes factures.
Je sais, ça fait peur dit comme ça, mais éteignez votre télé, le défi du siècle, il se joue sur votre canapé.
Z’êtes pas sûrs de le gagner ? Ha mais moi non plus, hein. Ouuuuuuuuuhlà, non !
Mais tant pis, au moins, j’aurai joué !!!!!