22, v’là Louni

(Tout lecteur aguerri de ce blog s’y attend : il me faut d’abord annoncer la bande son de cet article. J’ai longtemps hésité entre plusieurs musiques, j’envisageais de toutes vous les mettre ici, mais j’ai finalement décidé de les garder pour des articles ultérieurs. Cela vous donnera des raisons de revenir, gnark. Et donc la bande son qui passe en boucle alors que je rédige ces lignes est celle-ci : Apolyptica – Nothing else matters.
Une petite explication sur le choix, non de la chanson, qui est juste la plus belle de Metallica ever, mais des instruments : je me suis lancée dans le défi de jouer, à défaut de le maîtriser parfaitement, du violoncelle. Un vieux rêve… Et quoi de mieux quand tout se casse la gueule que de réaliser un petit défi qui restait tapi dans un coin ? Bon, j’en suis carrément à la maîtrise de 3 notes, mais j’avance, j’avance… Alors plutôt que de vous casser les oreilles avec mes sons grinçants, je préfère vous recommander la version « Metallica au violoncelle », je vous jure, c’est nettement plus plaisant !)

Covent Garden s’illumine.
Nous avançons vers une des ruelles qui bordent ce haut lieu londonien.
Je regarde mon fils qui me précède. Élancé, stylé, il avance, sûr de lui. Ce n’est pas la première fois que je pars juste avec lui quelque part, mais c’est clairement la première fois où son père ne nous rejoindra pas. Le changement peut sembler anodin, mais il est de taille dans ma tête. Je suis juste avec mon fils. Nous deux, et Londres.
Un escalier apparait au détour d’un passage. Tapis rouge et murs noirs, il descend vers une lumière tamisée.

– Hé t’as vu ?
– On dirait l’entrée d’un bar, non ?
– On va voir ?
– A fond !

On dévale les marches : c’est bien un bar.

– Stylééééé ! On prend un cocktail ?
– Je te suis.

On s’installe dans les fauteuils en velours style années 20, prend la carte et détaille les cocktails. Après avoir discuté le coup, on passe commande et scrute les environs.
Je respire enfin.

Tu es là, Lou.
Fidèle à toi-même.
Tu souris au serveur, charmeur mais franc, et obtient l’info capitale qu’il te fallait : un endroit où recharger ton téléphone. Ton séjour aux USA n’a pas été vain, tu gères l’anglais. Tu gères aussi un tas d’autres trucs, pour lesquels j’ai nettement moins eu d’influence.

Car oui, depuis ta naissance, je me suis donné un maître-mot. Tu vas me trouver assez pessimiste, mais j’ai toujours pensé que le monde dans lequel tu vivrais serait nettement plus chaotique que celui dans lequel ma génération a grandi. Me demande pas pourquoi, un pressentiment.
Alors, avec l’aide très active de ton père, j’ai décidé que plus que des diplômes (que tu auras, je n’en doute pas), il te fallait des compétences, voire des passions.
Les scouts ? Bingo, va pour les scouts. J’y suis passée aussi, jusque là, facile.
Le catamaran ? Ok, à toi les stages en mer, ce qui te permet aujourd’hui de transmettre tes connaissances aux plus jeunes que toi (y’a pire comme job de vacances).
Le ski ? Va pour les descentes dans la poudreuse. Ce qui t’a valu de jolies médailles en compétition par la suite (et m’a valu des sueurs très très froides).
La terre vue d’en haut ? Ton stage de vol à voile nous a rappelé « vous pouvez venir le rechercher, dites ? Il a passé tous les brevets, on sait plus quoi lui faire faire » (on a failli leur dire de te garder, tsé !).
Le surf ? Ton moniteur t’a baptisé « the monster », visiblement, tu tiens pas mal la route sur un truc étroit balloté par les vagues (en gros, du moment que c’est sur la flotte, en fait…).
Je passe le reste, la liste est plutôt longue (et TRÈS privilégiée, on en conviendra).
Malgré ce que pouvait dire notre entourage, je n’ai jamais dû te pousser pour faire tout cela. Au contraire, il fallait plutôt te retenir.
Car en plus de te donner l’envie de tout tenter, ton père et moi t’avons fait le cadeau d’un p’tit trouble (la génétique, c’est magique) qui fait de toi (à l’instar de toute la famille) un être immensément curieux et toujours en mouvement.
Mais ta tendresse, ta chaleur, ton empathie ainsi que ta force face à la maladie de ta grand-mère, ça, c’est toi. Bien toi. Juste toi. Entièrement toi. Fondamentalement toi.

Et ton incroyable clairvoyance aussi.
En démontre cette déclaration que tu nous a faite il y a quelques années à ton père et à moi :
« Moi, je ne veux pas faire comme vous : je ne resterai pas avec mon premier amour toute ma vie. »
Cela nous a un peu sciés sur le moment, on ne voyait pas le problème, nous.

J’y ai repensé ces derniers jours.
Tu avais complètement raison, Lou.
Ok, tu t’es fracassé. Ok, tu as encaissé. Ok, tu as bien morflé.
Mais tu as appris, grandi, mûri.
Et tu n’imagines pas combien c’est précieux…
Il ne faut jamais s’empêcher de devenir mieux.

Et surtout ne jamais s’empêcher d’aimer.

Alors nos prises de têtes, nos câlins, nos fou-rire, nos discussions de cette année, je prends et je re-prends.
Tu as 22 ans.
Dans un an, tu t’envoleras pour d’autres études, dans un autre pays.
Et moi, je sais que dans le monde pas toujours rassurant qui nous entoure, y’a un être humain qui connait son chemin et que, même s’il devait à nouveau le chercher, il a toutes les armes pour le trouver. Et ces armes sont bien plus puissantes que celles qui s’achètent, crois-moi.

Tu peux être fier de toi.

Marie, le 11 décembre 2025.

PS : je te souhaite de réussir ce fichu permis moto aujourd’hui. Autre compétence-passion. A mon corps défendant celle-là, nom de nom !