Soyez sans crainte, je porte le drapeau…

Voilà.

On y était.

Avec 35.000 autres personnes. Au bas mot.

Pour une manifestation dont l’idée à été lancée il y a 15 jours (jour pour jour) et qui a été largement critiquée, c’est assurément un succès.

Vous trouverez ailleurs le décorticage et l’analyse de cette manifestation. Les sceptiques le resteront. Les convaincus aussi.

On retrouvera également en vrac la mauvaise foi, les conclusions empreintes de subjectivité, la dissection de chaque parole, de chaque image, de chaque mouvement, de chaque chiffre, tout le monde s’emparera de cet événement et ira de son commentaire. On vous répétera peut-être même que tout cela est inutile et risible.

Je m’en contre-fiche.

J’ai dit dans mon billet précédent pourquoi j’y allais, j’y ai été. Et j’ai découvert sur place une autre magnifique raison d’y être.

On a reproché à cette manifestation de n’avoir pas de mot d’ordre, les gens lui en ont donné. Et, à voir les banderoles, les drapeaux, les chants, ils ne marchaient pas pour 10 millions de raisons différentes, ces gens.

Une des trois raisons (relevées dans un sondage Le Soir) évoquée par les marcheurs était « pour une Belgique unie », et, je rajoute (car ce mot est revenu nombre de fois) « solidaire ». Malgré la recommandation de ne pas venir avec des drapeaux, les Belges étaient venus très nombreux drapés de noir-jaune-rouge. Et les couleurs nationales ont, tout le long du cortège, bien souvent caché le gris du ciel.

Je ne suis pas une fan des drapeaux mais ici, j’ai bondi de joie. Si, en 2007, le mot d’ordre était « amenez vos drapeaux » (et j’avais râlé car, comme j’aime pas les drapeaux, je ne voulais pas être obligée d’en prendre un, nom de nom), ici personne n’avait obligé personne, que du contraire. C’était un choix personnel de chaque citoyen. Et ils furent très nombreux à le faire, ce choix. Ce qui rendait la présence de ces drapeaux encore plus forte et plus belle.

J’étais venue la rage au ventre, je suis repartie apaisée. Tour à tour amusée, touchée, interpellée, émue par les slogans, les banderoles, les cris, les présences…

J’aime ce pays, j’aime les gens qui le composent, j’aime même jusqu’à ses absurdités.

Et la chose prédominante qui se respirait, à coup de grandes bouffées d’air, dans cette manifestation, ce qui se sentait à chaque mouvement, à chaque regard, c’était… la fierté.

Rien de tel pour conjurer la peur et pour se redonner du courage. Je vous le recommande.

Soyez fière, je porte le drapeau

Soyez sains crainte : je porte le drapeau

Aimez-moi, je porte le drapeau.

(« Chant d’amour et de mort du cornette Christophe Rilke », Rainer Maria Rilke)

14 Commentaires

  • « Les sceptiques le resteront. Les convaincus aussi. » J’en suis pas si sûr. Agir c’est toujours mieux, mille fois mieux que de pester derrière son écran qu’il soit d’ordinateur ou de télévision. Bonne chance. Et bravo.

  • JF

    35000 personnes, 6 millions de votants, 11 millions de Belge. Je trouve ça décevant… Je finis par croire qu’on a la classe politique qu’on mérite…

  • sofistar

    Marie, moi aussi j’ai été fort touchée par les personnes qui ont manifesté, comme ces personnes agées qui ont décidé de montrer leur attachement à leur pays malgré un corps qui ne suit plus. Plus d’une fois, je me suis dit ‘ Les Belges ont quand même un sacré sens de l’humour’ et comme toi, je suis repartie fière. Alors que, en toute honnêteté, je ne me suis jamais vraiment sentie Belge. L’imagination dont ont fait preuve une partie des marcheurs (Ou encore les infirmières et leur drapeau improvisé) m’a simplement épaté. Chouette peuple, les Belges!

  • Diverbepu

    Merci de ce post suite à la manifestation … J’ai ressenti exactement la même chose que toi …

    J’ai été à cette manifestation parce que je trouvais que c’était ma place … et parce que je voulais dire qu’il faut trouver une solution: il nous faut un gouvernement, quitte à en former un et négocier la réforme par après, mais là n’est pas le sujet de ce commentaire …

    Je suis aussi reparti avec un sentiment de fierté! Cette manifestation est, pour moi, la preuve qu’au-delà des discours que nos politiques ont, nous sommes capables, la population, de nous parler. J’ai vu des personnes qui communiquaient, qui étaient là parce qu’elles sont attachée à notre pays … La Belgique … Terre de contrastes, imparfaite mais mon pays, auquel je suis attaché …

  • @Mamzelle merci ! Je trouvais ceux-là particulièrement bien réussis !

    @Laurent les sceptiques, ici, ne se sont pas déplaces car ils avaient peur de donner le mauvais signal au gouvernement, de faire le jeux des séparatistes. Moi, j’ai justement aimé ce message anti-séparatisme très prégnant dans cette manifestation…

    @JF qu’on a une classe politique qui palabre beaucoup et n’agit pas des masses ? Je ne peux te donner tord…

    @Soph c’est aussi pour cela que j’y allais, pour côtoyer mes concitoyens, pour partager un peu de chaleur avec eux… Et quand je vois comment certains peuvent mépriser cela (et, par là, les mépriser), cela me fait mal…

  • Bien entendu qu’à chaque manifestation, on y va avec ses attentes, qui ne collent peut-être pas à 100% avec le « mot d’ordre » mais nous partagions tous le même sentiment: celle d’un immense gâchis, de la perte du dialogue entre communautés, de la solidarité et du savoir vivre ensemble. C’est clair que quand on compare nos 34.000 avec les 50.000 venus le jour même au Salon de l’auto, je ressens un malaise mais n’oublions pas que faire bouger les Belges sur la politique c’est… comment dire… difficile. Alors qu’un évènement d’une telle envergure soit organisé en 2 semaines, je dis « chapeau »! Maintenant, je pense que ça ne devrait pas rester un « one shot ».

    De cette journée, il me restera en tête le personnel et les malades de l’hôpital Saint-Jean… Les infirmières au balcon et les patients en peignoirs derrière leur grande fenêtre et puis cette dame qui m’a agrippé le bras en me disant: « Jetez un petit peu un œil à Monsieur devant vous. Il est âgé et ne sait plus très bien marcher. » J’en avait les larmes aux yeux. Je l’ai malheureusement perdu de vue après une pause pipi… J’espère qu’il est bien rentré chez lui!

  • 35000, 40000 et toujours des sceptiques comme JF… Pourtant ce chiffre est énorme, certes faible face à 11 millions de votants, mais faut-il le rappeler c’est contraints et forcés que 11 millions de personnes se déplacent lors des élections…

    40000 personnes qui manifestent, c’est 40000 personnes qui portent encore un intérêt au pays, à la politique… à leur avenir !

    40000 manifestants, c’est 40000 personnes qui n’auront pas de regrets si le pays venait à s’effondrer.

    40000 manifestants, c’est 40000 personnes qui bougent… Et on ne le dira jamais assez « 40000 personnes qui bougent iront toujours plus loin que 10.960.000 sceptiques qui restent vissés sur leur chaise »

  • airdefilm

    Je n’aime ni les drapeaux, ni les manifestations. Mais la mobilisation, oui. Intellectuellement déficiente, de l’avis de certains. Peu importe. Le plus grand sourire : les infirmières de la clinique Saint-Jean.

  • Philippe

    Bien oui, 35000 manifestants, mais combien ne sont pas allés manifester, pour les mêmes motifs, parce qu’il en ont marre, parce qu’ils ne sont pas d’accords, parce qu’il n’ont peut-être jamais été d’accords. Est-ce que sans gouvernement, c’est vraiment plus mal qu’avec un gouvernement qui prend les mauvaises décisions? « J’aime ce pays, j’aime les gens qui le composent, j’aime même jusqu’à ses absurdités », et pourquoi l’absence de gouvernement serait plus absurde que de stigmatiser, contraindre une population, jusqu’à commettre des délits de démocratie tels qu’en n’en reconnaissant pas ses élus? Oui, bien sur, j’aimais bien, l’idée d’être Belge, j’aime l’humour et les qualités de nos artistes, aussi différents que Jaques Brel et Philippe Geluck, c’était rigolo, d’avoir un roi, parce que oui, c’était juste rigolo, ou sympa, mais sans plus. Je pense, que le jour où la Belgique sera sérieuse elle ne sera plus, et je n’ai pas osé marcher, je n’ai peut-être pas envie de devenir sérieux.

  • @Mélissa @airdefilm « intellectuellement déficiente », c’est une jolie locution pour traduire le « tous des cons » que j’ai lu maintes fois ^^ Oui, comme vous, j’y ai vu des très belles-belges choses. Et, quoiqu’en disent les média (et d’autres qui hurlent qu’on est des cons), j’avais BESOIN de voir ces choses, de les ressentir. Et, à mon avis, d’autres aussi. Maintenant, clairement, ce n’est qu’un début. Et le combat contre l’extrémisme était aussi de la partie hier, même sans ce mot d’ordre à la base.
    Les gens ne sont donc pas si moutons que cela 😉

    @Cum Censu oui, c’est clair. Mais la peur des détracteurs de cette manif, c’est la récupération du mouvement, et la cristallisation des problèmes. Aujourd’hui, donc, tous les problèmes et les discours vont être « à cause de la manif ». Avant le 23 janvier, ils n’avaient pas cette excuse.
    En fait, il aurait fallu ne pas bouger car on est dans un pays tel que, dès qu’on fait un mouvement, il est récupéré, analysé, disséqué, décortiqué, discuté, remanié, dénaturé…
    Je lis des choses hallucinantes dans la presse et sur certains blogs aujourd’hui. Choses que je n’ai pas vues, ni même entendues dans la foule hier.
    Je comprends donc de plus en plus pourquoi le citoyen belge ne bouge plus. Il est pris dans un carcan, il est prisonnier de gens qui lui donnent des idées qu’il n’a pas, qui lui font porter le chapeau de choses dont il n’est pas franchement responsable.
    Il est déboussolé.
    On ne l’écoute plus vraiment, on parle à sa place, on le bâillonne,…
    Et quand il se réveille, on lui dit qu’il est con et de se taire. Et de mieux réfléchir la prochaine fois.
    A ce rythme, il n’y aura pas de prochaine fois. Plus de prochaine fois.

    @Philou ok avec toi. Mais sans gouvernement, on est bloqués aussi. Pas de vraie prise de décision, pas de changement, donc.
    On tourne en rond.
    Mais je respecte ceux qui, autant en colère que ceux qui marchaient, n’ont pas été marcher. J’espère juste qu’ils feront eux aussi un geste qui montre cette colère. Car rester assis ne démontre rien, hélas 😉

  • Philippe

    @ ma petite cousine,
    Bah, … sans gouvernement on tourne en rond, … c’est pas faux, … mais quand on en a un, on peu pas dire qu’on est des flèches.
    Bon, pour le geste, j’ suis honnête, je campe et je porte la barbe, pour le coup je triche, j’ l’avais déjà mais je la garde volontiers pour la cause, puis si il avait fait moins crade, ben je serais venu aussi, mais, juste pour le plaisir de la ballade avec les compatriotes.

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