Mon ado partouze, je fais quoi ?

(Oui, je suis assez fière de mon titre, je le verrais bien en couv du ELLE ou du COSMO, avec une nana qui vante la dernière collection de Desigual sur la première page, histoire de parfaire la bonne ambiance)

Wé, je suis certaine que vous vous posez toutes et tous la question. Enfin, surtout les Belges (coucou !), vu leur actualité. En tous cas, moi, sérieux, je me la suis posée. Et ça a fait débat sur mon profil Facebook (et on sait tous que les débats sur les profils Facebook, c’est important).
Du coup, je me suis dit « faudrait que j’étaye ma position ». Ok, position n’est pas le bon mot, d’accord, bande d’esprits mal tournés.
Faudrait que je me pose (presque) sérieusement la question et que je me dise (tout aussi) sérieusement ce que je ferais dans le cas où, soyons fou, j’apprendrais que mon fils ou ma fille de 15 ans a participé avec quelques-uns de ses camarades (plus qu’un, quoi, la définition d’une partouze) à une petite sauterie.
En toute honnêteté.

Bon, d’abord, il faudrait que je sois au courant. Car, comme l’a très bien dit Yann dans la même discussion Facebook « Les jeunes expérimentent et expérimenteront toujours leur sexualité. Et pour les parents dans cette discussion, j’ai un scoop : ils ne vous en parleront pas, parce que cela ne vous regarde pas. Quand on partouze à 15 ans, c’est bien sûr parce qu’on en a envie (même si je suis certain qu’une partouze à 15 ans, ca doit être assez loin de ce qu’on voit dans les pornos), mais c’est aussi une manière de se libérer de ses parents, de construire quelque chose sur lequel sa mère et son père n’ont rien à dire, n’ont pas à savoir. C’est devenir libre. »
Je pense effectivement qu’il y a une vraie dimension « briser tabous et interdits et dire fuck à ses vieux » dans le fait d’expérimenter des choses dans sa propre sexualité. Même si, de fait, se la jouer gang bang (autre joli nom pour partouze, z’allez voir, y’a un stock), ça peut être jugé extrême.

Bon, mettons que, grosse veinarde, je sois mise au courant. Par le ou la gosse (je tiens à dire ici que mon propos est RIGOUREUSEMENT identique que l’ado soit fille ou garçon),  les autres ado (ha), l’école (gloups), la police (la vache) ou la presse (oui de nos jours, c’est un truc qu’on rend visiblement assez facilement public, faut le savoir), je fais quoi ?

Bonne question.

Voici mon plan pour affronter l’affaire, pour affronter l’ado, cadeau :

1) je commence par causer consentement. Carrément. Toutes les parties l’étaient-elles, consentantes ? L’ado en question l’était-il/elle ? Si ce n’était pas le cas, s’il n’y a ne serait-ce qu’un doute, l’effleurement d’un « non », la conversation s’arrête là. Il ne s’agit plus d’une partouze, mais d’un viol en réunion. Et ça, c’est du ressort de la justice. Car, faut-il le rappeler, le viol est un CRIME. Quel que soit l’âge des participants. Wé, je sais, c’est moyennement drôle sur le coup, mais j’ai pas dit que j’allais être follement marrante non plus. Si le consentement de toutes les parties est un fait acquis, j’en profite quand même pour rappeler que le viol est un crime, on ne le répètera jamais assez.

2) tant qu’à parler loi, j’en profite pour glisser à mon ado qu’il existe, pour la loi justement, une limite : la majorité sexuelle. Il a pas l’air au courant, mea culpa, c’est pas un truc dont on parle à l’heure du dîner familial, mais là, il est franchement temps qu’il soit mis au parfum. En Belgique, cette majorité est fixée à 16 ans (en France, elle est fixée à 15, pour info), ce qui signifie concrètement que si l’ado ne les a pas ou que si un ou une des participant(e)s à la petite orgie n’a pas atteint cet âge, les autres sont passibles de poursuites judiciaires et de réclusion même si la personne mineure sexuellement est consentante. Voilà de quoi refroidir les ardeurs les plus brûlantes de nos Rocco et Katsuni en herbe. Un ado averti en vaut deux (comme si on avait déjà pas assez d’ennuis avec un seul, tiens).

3) ces faits étant établis, je passe à un aspect plus émotionnel des choses : pourquoi a-t-il/elle agi de la sorte ? Si on me répond « pour faire comme les copains/copines », je m’inquiète un chouïa. On ne vit pas certaines pratiques sexuelles pour faire comme les potes. Enfin, on ne devrait pas, du moins. J’essaye de le lui faire comprendre, même si je sais qu’ado, la pression du groupe et l’envie d’en faire partie sont une composante incontournable du jeu. Mais merde, je maintiens, on ne se fait pas une p’tite partouze parce que Kevin le fait.

4) si on me répond « pour essayer », je reste stoïque. Pour finir, oui, si tout le monde est consentant, s’il n’y a plainte nulle part, si ce n’est pas la pression du groupe, mon ado peut avoir envie « d’essayer ». On est d’accord, je préfèrerais qu’il essaye un nouveau slim ou une nouvelle paire de baskets fluo, mais voilà, je dois bien me rendre à l’évidence : je n’ai plus beaucoup prise sur certains de ses choix. Il est loin le temps où je lui imposais une purée petits pois-carottes et qu’il rechignait en l’avalant. J’évite d’ailleurs d’y penser, d’autres images risqueraient de me venir en tête…

5) et d’ailleurs, voilà ce que je vais m’efforcer à tout prix d’éviter : de faire en sorte que MON expérience sexuelle ne vienne polluer la conversation. Moi, à 15, je… On s’en tape. Complètement. Et mon ado en premier. J’étais peut-être la plus bisounours des gamines qui rêvait de Tom Cruise (oui, à mon époque, c’était Tom Cruise, merdum) ou la plus dévergondée de l’école pour qui le kamasutra n’avait plus aucun secret, c’est pareil. J’oublie. Parler à son ado ne signifie pas lui étaler ses propres états d’âme sexuels. Même si s’envoyer en l’air dans la classe de géo avec Edouard était vachement sympa. Par contre, je n’oublie pas une chose importante…

6) moi aussi, j’ai eu 15 ans. Et ça, je m’en souviens, bien. Je ne le hurle pas forcément à mon ado (scoop : il s’en doute et il s’en tape) mais moi, je garde ça bien présent dans ma tête. Je me souviens de tout, de ces moments où je ne me comprenais pas moi-même, de ces moments où je ne comprenais pas mon corps, de ces moments où je ne savais pas ce que je voulais, de ces moments où je voulais trop de choses à la fois. Bref, je me souviens que 15 ans, c’est la merde. Mais qu’à l’époque, je ne le savais pas et que je me sentais très grande et très adulte. Sauf quand Nicolas de la classe d’à côté ne me regardait pas et que je pleurais la tête dans mon Bisounours. L’amour, c’est compliqué…

7) du coup, je me dis qu’il faut que je parle d’amour à mon ado. Et je me rends compte que c’était nettement plus simple de lui causer de majorité sexuelle, tiens. Mais je me lance car c’est important. De qui est amoureux mon ado ? Quelle est sa vision de ce sentiment ? Si ça tombe, une des personnes impliquées dans sa « partie fine » (autre joli synonyme de cet événement) est l’élu(e) de son cœur ? Si ça tombe, rien à voir, circulez et il/elle est amoureux ailleurs et est complètement paralysé/impuissant face à l’être aimé ? Je risque de me faire ricaner au nez par mon ado, voire je risque juste qu’il ne me dise rien du tout. Je risque aussi de passer pour une vieille peau qui lie le sexe à l’amour systématiquement, mais tant pis. J’aime le risque. Et je lui avoue que, oui, faire l’amour à deux et avec des sentiments, c’est encore un cran au dessus question plaisir, ça vaut pas mal de partouzes, pour le coup.

8) j’enchaîne avec le respect de soi et de ses désirs. Oui, cela va de pair avec « je ne baise pas avec 10 personnes pour faire comme Kevin ou Pamela », mais pas que. Certaines pratiques sexuelles sont funs, intéressantes et rien, non, rien, quand c’est consenti s’entend, n’est « immoral ». La moralité n’a d’ailleurs rien à voir là-dedans (sauf si je suis le dogme d’une religion, ce que je ne fais pas) et je ne condamne aucune pratique, ni ne condamne ceux et celles qui les apprécient. Mais ce sont souvent des adultes, avec une connaissance d’eux plus complète que des ado de 15 ans. Et donc qui savent plutôt mieux (enfin, on espère) ce que sont leurs désirs et leurs limites. Mon ado me dira certainement que, justement, s’il ne tente pas, il ne peut pas connaître ses limites, je lui répondrai que, certes, on peut tenter, mais pas besoin de se détruire pour autant. Et que certaines pratiques peuvent être destructrices (atteeeeeeention : j’ai pas dit SONT destructrices, mais PEUVENT ETRE destructrices, ça dépend d’un individu à l’autre, didjû).

9) mais si mon ado est au clair avec tout cela et qu’il n’a pas l’air franchement détruit ? (ce qui est la bonne nouvelle, pour le coup, vaut mieux ça que l’inverse) J’ose encore lui causer d’IST (infections sexuellement transmissibles) et de capote. Wé, je sais, je casse l’ambiance bonne enfant de cette conversation. C’est pénible d’être parent, hein. Mais bon, je glisse au passage (non pas une capote, quoique…) que le SIDA n’est pas un rhume (cette génération a une fâcheuse tendance à l’oublier) et que les autres crasses qu’on peut s’attraper à ce niveau peuvent avoir des conséquences dramatiques (stérilité, par exemple, ça serait dommage de gâcher mes chances d’être grand-mère, non ?).

10) je ne rends pas ses frasques publiques. Donc j’évite d’appeler Canal+, Voici, Closer et Gala réunis. Mon ado n’a certes que 15 ans mais il a droit à une vie privée comme n’importe quelle autre personne, adulte ou pas.

Et surtout, SURTOUT, au final, je ne le traite pas de traînée, salopard, dégénéré, nympho, connard, débile, salope, pute, pourriture. Mon ado n’est RIEN de tout cela. Je le lui dis et le lui répète, je l’aime.

Et je ne le juge pas.

PS : message au petit de l’Homme : j’ai pensé t’envoyer dans un monastère et ne t’en faire ressortir qu’à ta majorité, mais visiblement, tu risques plus de vivre ce genre de choses là-bas qu’à la maison. Ceci dit, si un jour, t’oses me faire vivre un truc pareil, je t’enferme à la cave au pain sec et à l’eau. Je t’aime. Maman.

 

11 Commentaires

  • Je suis assez d’accod, avec juste la question en plus d’une maturité peut-être absente à 15 ans, qui fait qu’on ne se rend pas compte que ce genre de choses pourraient avoir une atteinte à la construction d’une image positive de soi par la suite, parce que les gens (les autres) sont bêtes et risquent de leur remettre dans la face à tout moment, d’être jugé pour cette fois-là, sur cet unique fait-là par les autres du groupe qui font partie du secret. Et un secret connu par plus qu’une personne, n’est jamais un secret. Je sens que je suis pas très claire, je vais m’arrêter là 😉

  • jeanne

    Gang bang et partouze ne sont pas synonymes. Dans le gang bang, il n’y a qu’une femme pour un grand nombre d’hommes.

  • J’applaudis, entre-autre, ton numéro 8.
    Parce que quelle grande leçon de moralité, de préjugés, de manque d’ouverture et de tolérance on vient encore d’avoir… Et c’est bien ça le problème : cette société où le sexe est partout, tout le temps, que l’on présente comme LA chose importante au milieu de toutes et que l’on punit, que l’on juge et que l’on montre du doigt en même temps. Bonjour les repères. Et merci les médias de jeter l’intimité des jeunes de 15 ans comme ça sur la place publique, c’est franchement intelligent. Par contre, racoleur, ça oui. Bingo !

  • Valérie

    J’adore…. et j’adhère ET je garde de côté pour le relire le jour où le mien le sera (ado)… 😉

  • Pierre Conradt

    Je découvre ce texte grâce à un ami et je l’en remercie. A côté de l’humour:

     » Il est loin le temps où je lui imposais une purée petits
    pois-carottes et qu’il rechignait en l’avalant »… et  » Parler à son ado ne signifie pas lui étaler ses propres états d’âme sexuels. Même si s’envoyer en l’air
    dans la classe de géo avec Edouard était vachement sympa »,

    il y a une analyse, une description…
    Merci.

  • @Pierre
    De rien, c’est bien le but du texte (et du blog), parler de sujets de fond, avec du fond, mais avec ma forme 😉
    Bienvenue !

  • La Marie

    Hahaha…. j’ai essayé d’en parler avec mon ado, c’est juste impossible. Un mur.
    Il m’a juste répondu « Nooon, je ne le ferai pas ». J’avoue, c’est bien plus poli qu’un « Ferme là, tu me saoules » mais ça voulait dire la même chose;
    J’ai mis votre article en public sur mon mur, histoire qu’il le lise…. Je me demande même si je ne vais pas lui envoyer.
    Merci pour ce très chouette article.
    (ha oui, je vis en Belgique et pas très loin du Collège en question)

  • Olivier

    Bravo Marie pour ce billet.
    Et quelle ouverture d’esprit !
    J’espère juste que je saurai être aussi clair voyant le jour où mes enfants (encore jeunes) s’y mettront…

  • Petru

    Super texte j’en prends de la graine ! Moi qui vait être père à 23 ans en ayant fait toutes les conneries ( ou pas ) possibles et inimaginables , ca me donne matière à reflexion !
    Je suis ton Blog et il m’enchante ! au top !
    Merci

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