Message au gouvernement, aux spécialistes-en-terrorisme et aux média

Cher toi, (oui, je te tutoie d’emblée, on est entre nous, hein)

Je prends ma plume aujourd’hui pour t’exposer un truc qui me chiffonne.

Depuis que je suis née, le 29 avril 1973 pour ceux qui l’ignoraient encore (note-le, t’auras plus d’excuse pour ne pas me le souhaiter sur Facebook l’année prochaine), il y a eu quelques attentats meurtriers de par le monde. Un petit comptage plus loin (merci Wikipédia) et je peux même te donner un chiffre : 802. Oui, 802, et encore, je dois certainement en avoir oublié quelques-uns, mes yeux s’étant un peu brouillés en comptant.

Dans ces 802 attentats, une quarantaine (40 à la louche, presque un par an en moyenne depuis ma naissance) ont eu lieu en France, dont une grosse majorité à Paris, où vivait mon père.

Dans ces 802 attentats, une dizaine (8 à la louche) ont eu lieu en Belgique, où vivait ma mère.

Et dans ces 802, on compte ZE attentat qui détient l’Oscar de tous les attentats, l’attentat le plus meurtrier de l’histoire : celui du 11 septembre. Contre les tours jumelles. Que je trouvais très marrantes, pour rappel.

Je me souviens de ma terreur de petite fille, quand, fin des années 70-début des années 80, je me baladais main dans la main avec mon père dans Paris et que je me demandais si, moi aussi, j’allais être touchée par une bombe sur les Champs-Élysées (ou ailleurs, d’ailleurs).

Je me souviens de ma panique de petite fille quand, milieu des années 80, accompagnant ma mère faire ses courses dans les supermarchés à Bruxelles (surtout le Delhaize, que ma mère appréciait beaucoup), je me demandais quelle serait ma réaction si un commando entrait d’un coup et abattait tout le monde (et surtout ma mère).

Ce sont des peurs de petite fille, tu me diras, il ne m’est jamais rien arrivé… jusqu’ici.

Mais voilà, tu vois, le mot « attentat » est certainement le mot que j’ai dû entendre le plus dans ma vie (avec le mot « crise », qui se bat solidement bien pour rester dans la course, faut avouer, il lâche pas l’affaire !)…

… alors quand je lis, j’entends, je vois, en grand, gros, gras :

IL Y AURA D’AUTRES ATTENTATS

J’ai un peu l’impression que tu te fiches de ma poire, vois-tu.

J’attends de toi que tu me protèges (le gouvernement), que tu m’expliques ce qu’il se passe (le spécialiste en terrorisme), que tu m’informes (le journaliste)… pas que tu me racontes ma vie !!!

Passque vois-tu, le fait de me hurler (ou d’écrire en gras, ce qui revient au même) un truc que je sais depuis 42 ans, à part me faire paniquer, ça n’apporte rien de nouveau à mon existence.
Car, oui, oui, ça me fait paniquer. Oui, chuis comme ça, moi, j’ai entendu parler de plus de 800 attentats, dont certains très proches de moi, mais j’aime pas qu’on me rappelle que je peux me faire exploser la gueule au détour d’un trottoir ou que les gens que j’aime peuvent se prendre une balle dans la tête en allant boire un verre ou faire leur Delhaize. C’est bizarre comme comportement, je te le concède, mais c’est comme ça.

Alors je te demande juste un truc : fais ton job. Et fais-le bien.
Et arrête de me faire paniquer.

Car, même si tu le fais bien, ton job, même si tu agis à 400% de tes capacités, avec déontologie, respect, empathie, efficacité, toussa, toussa… Ben oui, je vais t’apprendre un truc : il y aura d’autres attentats.

Peut-être pas demain.
Peut-être pas après demain.
Peut-être pas le mois prochain, ni l’année prochaine (avec un peu d’espoir).
Mais il y aura d’autres attentats.

Il y en a eu 802 depuis ma naissance. Je connais le mot, je connais son odeur, je connais sa couleur.
Je connais son effet poisseux et venimeux.
Et je sais que l’être humain ne s’en débarrassera pas.

Alors, je pourrais te suggérer des sujets/titres pour tes prochaines interventions, tels que :

Le feu, ça brûle.
L’eau, ça mouille.
Voire : les fraises, ça tâche.
(ou « Les chats, ça miaule », variante belge)

Mais je ne le ferai pas, j’ai même pas envie d’être sarcastique.

Je veux juste que tu arrêtes d’ajouter de la peur à la peur.

Merci.

Signé : une petite fille qui sait qu’elle doit avancer et qu’il y a une vie, justement, après la peur (ça s’appelle la résilience et, couplée à l’expérience, c’est très pratique pour garder foi en la vie, tu verras).

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