L’amour, ce concept abscons

De quoi peut-on bien parler entre amies, un soir, sur une terrasse, dans les dernières chaleurs d’une journée d’août (enfin) chaude, fatiguées d’une journée (trop) remplie et face à un (bon) verre de vin rouge bien mérité ?

N’écoutant que mon courage et ne reculant devant aucun sacrifice pour faire avancer la science, j’ai testé la chose pour vous ce soir-même.

Qui plus est, j’en avais vraiment, vraiment (mais vraiment, hein) besoin… J’ai donc joint l’utile à l’agréable.

D’abord, deux filles ensemble, ça parle de tout. D’elles, de leur vie, de leurs projets, de leurs coups de coeur, de leurs coups de gueule… Et puis, imperceptiblement, ça s’engage sur un sujet beaucoup plus compliqué, voire casse-tête… Ca commence à parler d’amour…

L’amour, sujet qui, clairement, intéresse 99,99999% de l’humanité (le 0,00001% qui reste, je le laisse pour ceux qui, plongés dans un coma profond, n’ont pas tout-à-fait la possibilité de penser à leur avenir affectif). Il suffit pour cela de lire les journaux (leurs gros titres ne parlent que de cela, les faits divers en débordent), les magazines (et leur pléthore d’articles, de tests, de modes d’emploi sur comment trouver l’âme soeur, la coincer dans un coin, l’épouser et lui faire 5 enfants dans la foulée), de regarder la télé (même dans les prés, on cherche l’amour), d’écouter de la musique (tant que le mot « amour » existera, l’industrie musicale ne sera en rien menacée, croyez-moi) ou d’ouvrir son ordinateur (Facebook, Twitter, Meetic,… le net déborde de recherche d’amour, partout, tout le temps). Le monde entier parle d’amour, rêve d’amour, manque d’amour, célèbre l’amour…

Mais c’est QUOI, l’amour ????

Dans notre discussion à bâtons rompus, nous en abordons de nombreux aspects… Faut-il être beau pour provoquer l’amour ? (« je vais être honnête, un mec moche sera déjà classé au premier abord comme mec moins intéressant » déclare-t-elle, j’avoue, en grinçant des dents, que c’est le cas pour moi aussi, j’ai un solide faible pour les hommes beaux, même si ça me fait mal de l’avouer) Faut-il être jalouse ? (« mais t’étais jalouse, là, non ? » Mais non, pas du tout !) Faut-il tout accepter par amour ? Quid de ceux qui aiment mal ? Qui détruisent ? Qui manipulent ? Et qui, ce faisant, se revendiquent de l’amour ?

Je me rends compte que, si nous ne parvenons pas bien à cerner ce que doit être l’amour, nous parvenons très clairement à définir ce qu’il n’est pas. Il n’est pas manipulation, égoïsme, jeu de pouvoir, calcul, marivaudage, concours ou remise de trophées. Il n’est pas choisi, réfléchi, pesé, rationnalisé.

En gros, l’amour n’est pas, plus qu’il n’est.

Il se repère plus souvent par son absence que par sa présence.

Et là, j’en arrive à mon petit pavé dans la mare à moi, je le jette…

« L’amour n’existe pas, c’est juste un échange de bons procédés, un court instant, ou un instant plus long, entre deux individus consentants »

Ok, j’aime bien jouer le troll de temps à autre, ça m’occupe les longues soirées d’hiver.

Mais notez, j’ai pas tout faux, ma théorie se vérifie, j’ai pu tester l’affaire dans mon entourage ou, même, dans ma petite vie à moi. Le nombre de couples détruits parce que, d’un coup d’un seul, une des deux parties prend sa valise et part sous d’autres cieux d’apparence plus cléments (pour rappel l’amour est dans le pré et l’herbe du voisin semble bien souvent plus verte et nourrissante), le nombre de personnes laissées exsangues parce que leur partenaire confond/a confondu amour et désir (un tout joli piège celui-là), le nombre de blessés graves parce que l’autre a joué avec eux comme avec un objet pour les laisser fendus, brisés dans un coin…

Combien de lettres d’amour lancées à l’autre pour, avant tout, se rassurer soi-même ? Combien de déclarations enflammées pour, en fait, tester sa propre capacité à être aimé ?

Elle me regarde.

« Certaines personnes, même si elles revendiquent l’inverse, n’aiment pas. Ou aiment mal. Et font d’énormes dégâts autour d’elles. L’erreur serait de prendre cela pour de l’amour. »

J’ai dû faire cette erreur, oui. Et je ne suis pas la seule.

Du coup, j’affirme des énormités sur l’inexistence de l’amour.

N’empêche, savoir ce qu’est l’amour, le détecter, le vivre, le gagner… ce sont des sujets qui font courir la planète. Car personne n’a de réponse, de recette.

Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour. Cette phrase (attribuée à de nombreux auteurs donc je n’en citerai aucun) peut être un début de réponse… Mais est bien trop simpliste pour se revendiquer réponse universelle.

Je pourrais aussi vous sortir des paquets de chansons de Jean-Jacques Goldman, Calogero ou Pascal Obispo (pour rappel, je suis dans ma période musique prépubère), mais Fred m’accuserait de marcher sur ses plates-bandes alors, plus prosaïquement, j’ai eu envie de ressortir une chanson qui fait trembler même par 40° à l’ombre (notez, à ce niveau pour l’instant, on ne risque rien) : The Rose de Bette Midler.

Bon, ok, elle n’apporte absolument aucune réponse non plus, mais elle montre que, que l’on sache ce qu’est l’amour ou pas, il peut tomber sur n’importe qui, à n’importe quel moment… (ça fait limite peur dit comme ça, non ?)

Nous avons fini le vin, la nuit nous entoure comme un cocon protecteur, dans la lueur tamisée des lumières du jardin du restaurant, l’air doux du soir, emportées par notre conversation, il est une question que nous ne sous sommes pas posée… Qu’est-ce l’amitié ? Comment sait-on qu’elle est là et bien là ?

Les questions sur l’amitié font nettement moins courir les foules. Pourtant cette dernière est tout aussi importante à l’être humain que l’oxygène qu’il respire, l’eau qu’il boit et la nourriture qu’il ingurgite.

Mais là, dans ce bien-être, cet abandon, se questionner sur notre amitié naissante ne nous a pas traversé l’esprit. Le naturel de la chose ne demandait pas dix mille explications.

Et si elle était là, la recette, dans ce cocon de chaleur et de confiance…

Et si elle était là, la réponse, dans ce total abandon…

L’amour non plus ne demande peut-être pas dix mille explications.

 

(Ce texte fait partie de la série lancée par le Pari de Marie)

12 Commentaires

  • Frank

    Hello La Fille,
    L’idée est bonne, MAIS !!!
    Tu n’en est qu’à ton deuxième pamphlet, et déjà, je m’étonne.
    Sur l’ensemble, c’est pas mal, c’est envolé et profond à la fois, OK
    Mais tu nous a habitués à mieux. Le verbe est recherché, une phrase sur deux, mais trop souvent entrecoupé de petits détails qui coupent ton élan. Du coup, on n’est plus tiré du début à la fin par cette irrésistible envie de savoir ce qui suit, ou comment ça va finir.
    Alors je rejoins le commentaire que j’ai vu il y a quelques jours, fais gaffe à ne pas en faire de trop.
    Personne ne te pousse à produire coute que coute, exploite plutôt tes élans quand ils viennent, c’est bien plus prenant.
    Mais bon, te connaissant, tu n’en feras quand même qu’à ta tête.
    Allez, bon bloguage.
    Frank

  • Et si l’amour n’était rien d’autre qu’une suite de réactions chimiques destinées à maintenir la survie de l’espèce… Saloperie d’ocytocine !

    PS : beau texte !

  • David Buchet

    Encore un chouette texte, Marie !!!
    Mais malheureusement, mon(mes) café(s) n’ont pas encore l’effet escompté sur mon cerveau… du coup, mon commentaire risque d’être moins passionné que ton texte.
    Moi, je suis convaincu que l’amour existe.
    Comment je le sais ?
    Je l’ai trouvé !
    Je le vis !
    Dés l’instant ou j’ai croisé le regard de Florence, j’ai su que je l’avais trouvé.
    Très vite, j’en ai eu la conformation.
    Quel confirmation va tu me demander.
    Et bien, c’était… le silence… le silence dans ma tête.
    S’en était fini de mes questions, de mes doutes, de mes peurs.
    Je suis persuadé que toutes les pseudos enquête, les pseudos articles sur l’amour ne sert qu’a rassurer les lecteur ou l’auteur qui n’ont pas encore rencontré le « vrai » amour que eux aussi le trouveront un jours.
    Moi, je suis triste pour eux, car l’ayant trouvé… je sais ce que cela fait.

  • Frank,

    Hé oui, c’est clair, c’est le danger de l’exercice !!!
    Mais, pour être franche, si tu lis d’autres articles sur ce blog, certains, même s’ils ont été mûris plus longtemps, manquent tout autant d’élan, de fil conducteur fort et, pourtant, je les écrivais sur un coup de tête !
    C’est un blog, avec des textes plus ou moins bons, plus ou moins parlants, de qualité inégale…
    Le principe même du blog, quoi 😉

    Donc oui, celui-ci pèche par certains défauts, mais je ne pense pas que ce soit dû à mon pari…

    Donc, je continue ! 😉

    (oui, oui, tu le sais, je n’en ferai qu’à ma tête, hé, hé 😀 )

  • Julie, dans mes bras !!!! (je me sens moins seule avec mon « échange de bons procédés », du coup 😉 )

    David, mais il est beau, ton commentaire !
    Ceci dit, comme toi, j’ai trouvé cet état, ce silence, ce moment de non questionnement.
    Mais les bruits sont revenus… Le couple, sur la longueur (20 ans en ce qui me concerne), ce n’est plus aussi silencieux et rassurant.

    Mais est-ce pour autant que ce n’est plus de l’amour ? (la question est posée ;-))

  • didi

    Vaste sujet Marie… pour moi, l’idée de l’Amour est corrompue avec toutes les obligations judéo-chrétiennes qui nous enlisent depuis des siècles, l’obligation de la fidélité, la mystification du désir, etc etc… ce n’est pas un appel à la tromperie ouverte et dûment acceptée, c’est juste qu’il ne faut pas enliser son coeur dans un carcan, l’enchainer et lui dicter une conduite autant irréprochable qu’irréaliste. il ‘suffit’ (entre guillemets car pas simple) d’alléger le poids donné à l’Amour avec un grand et un petit A, et on se libère de dizaines de questionnements et de masturbation intellectuelle (siiiiii appréciée des filles entre elles – autour d’un bon verre de vin :-)). Un amour plus léger est forcément plus agreable à vivre, et ce qui n’est plus interdit devient moins tentant…cqfd!

    Et vive les hommes beaux autour de nous, et çà n’a rien à voir avec l’Amouuuur, non mais, hahaaa ….

  • charles

    Les anciens Grecs, chère Marie, avaient trois mots distincts pour désigner et qualifier ce que nous appelons l’amour: Eros, Philia et Agapè (c’est la transcription phonétique, je t’épargne leur alphabet). Ce sont comme les trois barreaux d’une échelle qui monte au ciel. Eros correspond à ce que nous appelons le désir, qui est souvent une envie d’appropriation: d’une voiture, d’une huître (si on aime les huîtres!), d’un homme ou d’une femme (ou d’une chèvre, dans certains cas d’urgence…:) C’est le plus simple, qui n’appelle pas forcément la réciproque: on ne demande pas à une huître si elle est heureuse qu’on la gobe. Philia, que nous désignons par « amitié » se partage par contre par essence car on ne peut être l’ami de quelqu’un qui ne nous aime pas. A noter que Philia n’exclut pas forcément Eros mais le « civilise » en e qu’elle oblige à sublimer le plaisir par la nécessité absolue de le partager. Raison pour laquelle il n’y a pas d’amitié-philia avec une huître, ce qui n’exclut aucunement (encore heureux!) qu’il puisse y en avoir entre un homme et une femme, contrairement à ce que pense un vain peuple primitif et consacré à ses pulsions. Agapè, enfin, est quelque chose comme l’amour du prochain, celui de saintes personnes dont certaines ont avoué récemment, avec une honnêteté qui les honore et ne choque que les imbéciles, qu’elles non plus ne sont pas toujours à l’abri des charmes indiscrets d’Eros.
    Tout ça pour dire qu’au fond, l’amour humain dont tu nous parles ici avec talent n’est rien d’autre à mes yeux que le produit de la copulation d’Eros avec Philia et que, dépendant des gamètes appariées et du talent pédagogique des parents, ce peut être un beau bébé joufflu et heureux aussi bien qu’un gosse de merde à chier!

  • J’ai un assez bel et récent exemple de « il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour ». Je pense que tu suivras aisément mon regard…

  • mince ! je viens de tiquer sur une phrase : « combien de déclarations enflammées pour tester sa propre capacité à être aimé (ou séduire) ? » Serait-ce donc cela que j’ai vécu dernièrement ?
    L’amour est une évidence, je pense qu’il n’y a pas à se questionner dessus, comme tu le dis bien avec l’amitié. En tant qu’évidence il peut tout vaincre, tout projeter, tout promettre.

  • Georges Robert

    Il y a quelques temps, lors d’une conversation avec une amie, nous nous posions la question de savoir s’il y avait une différence entre l’amitié et l’amour, et si oui, où se situait la frontière… Malgré de longues dissertations entre nous, nous en avons conclu qu’il n’existe aucune frontière ni limites… De l’amitié à l’amour, ce n’est qu’un même sentiment s’exprimant avec une intensité variable selon les circonstances et les rapports que nous nous construisons mutuellement… J’aime assez les trois mots distincts des Grecs anciens postés par Charles, qui apportent à la fois nuances et ouvertures. De même, il existe ce que l’on appelle le « polyamour », qui montre qu’il est possible d’aimer plusieurs personnes à la fois, car l’amour ne peut être qu’infini… Il est vrai que « l’amour » est devenu un gigantesque marché et que l’on nous en fait avaler à toutes les sauces, souvent ineptes et infantilisantes, afin de nous vendre des gadgets ou des produits censés nous en donner les « clés »… A cela s’ajoute le poids millénaires des religions, qui ne manquent pas de nous enfermer dans la culpabilité, la honte, voire l’horreur, de l’expression de nos sentiments… Le jour où l’on sortira des religions comme du marché capitaliste, nous aurons sans doute fait un grand pas en avant pour vivre librement nos amours…

  • Sorel casablancas

    Bonjour Marie,
    J’aime particulièrement ce que vous écrivez. C’est juste, agréable à lire, allègre et surtout vous avez quelque chose à dire, chose rare sous nos tropiques.
    Celui là est vraiment à côté. L’amour c est un truc de déglingo, un poison violent , une drogue dure donc tout sauf un concept abscons.
    Sorel C.

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