Aussi libre que moi

(où le lecteur de ce blog s’apercevra que l’auteure du même blog retombe dans ses vilains travers qui consistent à balancer un titre de chanson -et de préférence de chanson digne d’une ado prépubère- comme titre de texte. Ok, d’accord, c’est vrai, mais flûte, quoi, c’est l’été, mes deux neurones et demi sont partis chercher du soleil, il fallait bien que je me débrouille seule… Et puis la prépubèreté, c’est un âge drôlement sympa quand on y repense)

Ne résiste pas à cette envie
Viens contre tout, contre moi
T’engager comme avec toi je le suis
Sans garde fou et rester
J’ai fait le voeu de te garder
Aussi libre que moi
Si tu es comme je crois
Aussi libre que moi

Je vais vous avouer un truc, le texte de cette chanson (enfin, la partie citée ci-dessus) avait été choisi par l’Homme et moi à notre mariage. Nous l’avions donc lu, ensemble.

Sur le moment, il nous parlait énormément, il reflétait même exactement notre état d’esprit. Il sonnait comme une promesse : « Je fais le voeu de te garder… aussi libre que moi ». Certes, à un mariage, cela pouvait paraître un peu anachronique.

Et pourtant…

Pourtant, c’est exactement, selon moi, ce que tout marié devrait se promettre. Promettre à l’autre de tout faire pour le garder libre, libre de vivre, de réfléchir, d’agir, d’aimer…

Un mois avant de me marier, j’ai failli tout annuler. Je n’arrivais plus à me dire que j’allais jurer à un homme (tout merveilleux qu’il soit -et il l’est, je le pensais et le pense encore-) un amour éternel. C’était n’importe quoi. Il n’y a rien de plus volatile que l’amour, il est des choses sur lesquelles nous n’avons absolument aucune prise et l’amour en fait partie. Personne ne choisit de tomber amoureux, ni quand, ni comment. Et personne ne choisit non plus le moment où cet état s’arrête. Alors je me voyais mal promettre quelque chose sur laquelle je n’avais aucune prise ni emprise à l’Homme ! C’était lui mentir d’office et, là, du coup, notre mariage était d’office mal barre…

Panique.

J’ai empoigné mon téléphone et appelé ma meilleure amie. Celle qui allait être témoin de mon engagement et qui, pour mon plus grand bonheur, était déjà passée par cet événement avant moi.

« Je vais pas pouvoir me marier, là »

« Hein ???!!! »

« Ben non, mais ça va pas aller, je ne peux pas lui jurer de l’aimer toute la vie, c’est pas possible, je peux pas lui jurer un truc pareil ! Comment t’as fait, toi ???? »

« Mais j’ai jamais juré de l’aimer toute ma vie ! M’enfin, Marie ! »

« Ha ? »

« Non ! Moi, j’ai juré de tout faire, tout ce qui est en mon pouvoir au moins, pour que cela marche entre nous, pour que notre couple fonctionne, pour que nous aillons le plus loin possible ensemble. Et je compte bien tout faire pour tenir ma promesse, crois-moi ! Mais l’aimer toute ma vie, non ! »

J’en suis restée comme deux ronds de flan. Un tel bon sens me laissait pantoise. Elle avait clairement raison.

« Alors, toi, tu vas faire pareil ! Ca te semble faisable, ça ? »

Heu… Oui.

J’ai appelé l’Homme (complètement flippé devant mon coup calcaire) et lui ai lâché : « ok, on se marie, ça va, je vais mieux, là ».

Puis l’idée de nous faire une promesse que nous puissions tenir a fait son chemin… D’où le choix de ce texte.

Aujourd’hui, près de 10 ans, un enfant, une maison, deux boulots, un lapin nain après, je me rends compte qu’entre la théorie (magnifique) et la pratique (ardue), il y a un monde.

Que signifie « libre » ? Et plus encore, que signifie « libre » dans un couple ?? Ou s’arrête ma liberté et où commence celle de l’autre ???

Je suis plus que jamais farouchement attachée à cette idée de liberté (et pas juste en amour, d’ailleurs, en amitié, dans la vie en général, aussi), elle me préserve d’ailleurs de pas mal de bassesses (la jalousie, le contrôle de l’autre, le ressentiment), mais si, à l’époque, je me questionnais beaucoup sur la mienne, de liberté, je la revendiquais, la brandissais, aujourd’hui, c’est sur la sienne que je me penche…

Est-ce que je respecte sa liberté, à lui ?

Est-ce que je le garde aussi libre que moi, lui ?

Est-ce qu’il est aussi libre que je crois, lui ?

J’ai fait le voeu de le garder aussi libre que moi.

Ai-je seulement tenu parole… Moi ?

(Ce texte fait partie de la série lancée par le Pari de Marie)

7 Commentaires

  • David Buchet

    Waw… chapeau !!!
    Ton texte est magnifique et ne peut que nous (les gens mariés) faire réfléchir sur cette liberté dont tu nous parles.
    J’aime beaucoup cette idée de liberté… et plus j’y pense, et plus il me semble que c’est essentiel.
    Pourrais-je encore aimer « ma belle » si je ne me sentais pas libre ?
    Libre de penser, libre de vivre, libre de dire,…
    M’aimerait-elle encore si je la privais de cette liberté ?
    Bon je vais méditer ton texte dans le train en rentrant chez moi… et première chose que je ferai en rentrant, c’est prendre ma petit femme dans mes bras et lui dire « Je t’aime ». (Et en deuxième, je réécouterais l’album symphonique de Calogero)

  • Maureen

    Marie, je suis boulversée, mais vraiment!

    Bon ok, Calogero, c’est pas tip top ma cup of tea, disons-le franchement…
    mais LA, dans ce contexte LA, le tien en l’occurence, ses mots à lui, prennent un tout autre sens, et résonnent en moi comme cette promesse faite à l’homme que j’aime… nous donner tous les moyens de rester nous, envers et contre tout, et d’avancer ensemble… Rester « décalés » 😉

    Bein voilà, me remémorer cette promesse, ce matin, avec ce beau soleil par ma fenêtre, après avoir câliner mon p’tit dernier lover tout contre moi… bein ça me fait quelque chose, et ça fait du bien!

    Nous tous, pris dans ce fabuleux tourbillon d’la vie, on en oublie parfois, pas tellement nos promesses, mais ce qu’on y avait mis comme engagement, comme émotions, comme sensations,…

    Mes pendules sont remises à l’heure… j’avais omis de recharger les batteries… c’est chose faite!

    1000 mercis Marie 😉

  • Splendide, effectivement.

    La liberté et la communication sont les clés des mariages réussis je pense…

    J’aime relire de temps à autre ce qu’écrivais Gibran à propos du mariage :

    « Aimez-vous l’un l’autre, mais ne faites pas de l’amour une chaîne.
    Laissez le plutôt être une mer dansant entre les rivages de vos âmes.
    Emplissez chacun la coupe de l’autre, mais ne buvez pas à la même coupe.
    Donnez à l’autre de votre pain, mais ne mangez pas de la même miche.
    Chantez et dansez ensemble et soyez joyeux, mais laissez chacun de vous être seul.
    De même que les cordes du luth sont seules pendant qu’elles vibrent de la même harmonie.
    Donnez vos cœurs, mais pas à la garde l’un de l’autre.
    Car seule la main de la Vie peut contenir vos cœurs.
    Et tenez-vous ensemble, mais pas trop proches non plus :
    Car les piliers du temple se tiennent à distance,
    Et le chêne et le cyprès ne croissent pas à l’ombre l’un de l’autre. »

    Bibise,
    Julie

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