On connaît toutes un DSK…

On tient depuis deux jours LA saga du printemps. Et qui marche d’enfer.

Avec des composantes aussi raffinées que des stéréotypes à tous les étages, des blagues salaces à foison, une théorie du complot bien ficelée, ça ne pouvait que fonctionner. A côté, le Loft, c’est aussi exaltant que Maya l’Abeille (et encore, c’est méchant pour Maya parce que Willy se donnait quand même vraiment du mal pour mettre de l’ambiance à chaque épisode).

Mais voilà, à la longue, ça saoule…

J’ai pas un goût très prononcé pour la télé-réalité, j’avoue.

Mais quand elle se joue sur le dos des femmes, j’ai encore plus de mal.

Alors, je ne suis pas là pour vous dire que je pense qu’untel est coupable ou pas, que, effectivement ça tombe un peu trop bien et trop juste pour être honnête, non, là, je vais juste laisser la justice faire son boulot. Il nous manque à tous de très nombreux éléments pour décréter avec conviction ce qu’il en est. Il me semble plus sain et plus honnête de ne pas porter de jugement là-dessus.

Par contre, j’ai envie de revenir sur un point. Un tout petit point, certes, mais qui devient de plus en plus un élément-argument un chouïa puant :

« Dites, les gars, y’en avait une, maintenant y’en a deux et puis y’en a d’autres qui s’ajoutent en disant qu’elle savaient pour DSK, mais, dites, on les aurait pas payées, là, ces gonzesses, pour dire qu’elles se sont fait violer, agresser par ce type ? Car il en sort de partout, maintenant ! C’est bien la preuve que c’est un coup fourré, non ? »

T’es gentil, mais c’est la preuve de rien du tout, mon chou…

Imagine-toi deux secondes dans une soirée, ou à un barbec, ou à un repas de ta boîte, ou, même, dans le métro, enfin bref, à n’importe quel endroit où il y a des hommes et des femmes. Prends un pote, une connaissance, un inconnu,  ou même tout ce qui correspond de loin ou de près à un être humain de sexe masculin. Colle-lui un comportement « limite » : ce genre de comportement qui ne porte pas vraiment à conséquence, mais qui peut clairement te pourrir le moment. Cet homme qui, soit par ses sous-entendus, soit en ne sous-entendant rien du tout, te propose la bagatelle. Cet homme qui, au détour d’une conversation, peut-être un peu avinée si tu lui cherches des excuses, se vante de s’être « fait machine » et avoue qu’il se « ferait bien l’autre blonde, sa copine, aussi » et ajoute « et toi, en plus ». Rigole. Jaune. Histoire de ne pas passer pour une frustrée-mal baisée-coincée du cul-vieille avant l’âge (aucune mention n’est inutile). Lutte contre l’envie de te casser en courant/lui foutre une gifle/le castrer/fondre en larmes (idem pour les mentions). Et puis regarde autour de toi, le barbecue qui chauffe, les copains qui rigolent, le champagne dans les verres, les collègues qui parlent du dernier projet, les gens qui se pressent dans le métro, leur envie de rentrer au chaud… Et encaisse. Dis-toi que même si tu hurlais, même si tu faisais un scandale, même si tu tirais la sonnette d’alarme, personne ne comprendrait. Tu serais la mauvaise, celle par qui le scandale arrive. Qu’on ne t’entendrait pas… « mais enfin, il déconnait, non ? T’as pas vu qu’il déconnait ? T’as pas d’humour, là ? Putain, t’exagère, non ? »

Tais-toi.

On connaît toutes un DSK.

Un ami, un pote, un voisin, un collègue, le mari d’une autre, …

Et on ne le dénonce pas, on ne le pointe pas du doigt. On l’évite juste, on trouve des excuses, des échappatoires, des moyens de ne pas trop le voir…

On sait qu’il est comme ça. Pour un temps (car il est mal), pour toujours (car sa tête va mal).

On prévient les copines, en rigolant. « Wé, fais gaffe, il essaye juste de se faire tout ce qui bouge du moment que ça porte une jupe ».

On souligne même que pour lui « qu’importe le flacon, pourvu qu’il ait l’ivresse ! ».

On relativise, « c’est la vie ».

Mais si, un jour, cet homme, ce même homme, dépasse la limite et se retrouve accusé, pour attentat à la pudeur, pour tentative de viol, on culpabilise.

Et on bafouille… « je m’en doutais un peu »…

Le malaise prend forme.

Les langues se délient. Un aveu, un courage, en entraîne un autre. Les yeux s’ouvrent, les tensions craquent…

Ce n’est pas un complot, c’est une prise de conscience.

On connaît toutes un DSK, mais on ne le dit pas.

Edit : il n’est pas question dans ce texte de dire que tout dragueur/amateur de femme/accro au sexe est un violeur potentiel. Je tenais à préciser la chose car il semblerait que cela ne soit pas clair. Il est évident que cet amalgame-là n’est pas à faire.

15 Commentaires

  • Vincent

    Découverte via un « ami » FB… J’aime beaucoup le ton, la légèreté et l’intelligence du propos. Chouette, vraiment.

  • Je sais pas Marie…
    je suis 100 % d’accord avec le fait que dans le monde il y a toujours des meneurs et des suiveurs / des gens qui ont peurs…
    Et donc oui j’y crois comme toi au fait que des fois il suffit qu’une personne parle pour que le reste se libère.
    Donc dans le fond je suis d’accord… La chose que je n’aime pas c’est d’écrire « on connait tous un DSK »… Euh, qui t’as dit qu’il était lourd? Qu’il dit qu’il a envie de se taper la blonde et sa copine?
    C’est juste ce point qui me dérange!

  • @Emma oui, des femmes adoptent aussi ce genre de comportement. Mimétisme ou vraie envie ? Mais soit, cela existe, effectivement !

    @Vincent merci beaucoup !!!! N’hésite pas à faire un tour sur les autres articles 🙂

    @Medzo Non, non, j’ai pas dit que DSK était lourd. Si cela peut se comprendre comme cela, je m’en excuse. Je parlais des hommes qu’on peut rencontrer parfois et qui nous tiennent des propos complètement déplacés. Mais pour lesquels on ne fait pas d’esclandre car c’est « anodin » et qu’on n’a pas envie de déranger, pour finir. Mais qui nous mettent mal à l’aise.
    Mais que quand l’une dénonce ces comportements, les autres suivent car on se rend compte qu’on n’est plus les seules à avoir été mises mal à l’aise…

    Mais bon, donc oui, « c’est un lourd », c’est maladroit comme formule, je m’en excuse platement…

  • LMO

    Au vu du titre, j’ai eu un peu peur de la tournure du billet.
    En fin de compte, je te remercie pour ce billet intelligent et réfléchi.
    Cette histoire, de par mon propre vécu, me met très mal à l’aise. Personne ne parle de la victime qui plus est, comme si elle ne valait rien (qu’elle soit effectivement victime ou non, elle n’est pas qu’un « élément » de l’histoire mais bien l’un des deux protagonistes!)

  • @medzo je viens de retirer la phrase incriminée. Tu as raison, cela prête vraiment à une mauvaise interpretation et ce n’est pas cela que je voulais dire 😉 Merci 😉

    @LMO de rien. Oui, je trouvais pas de titre vraiment adéquat alors j’ai remis une des phrases du texte… Mais ce n’est peut-être pas le choix le plus judicieux 😉 (mais moi aussi, cette histoire me met mal à l’aise, pas évident de mettre tout ce que j’ai en tête en un seul texte nuancé…) Merci à toi aussi 😉

  • Laurdel

    je sais pas Marie – Autant DSK traîne une réputation de lourdingue longue comme … Un jour sans pain on va dire pour pas fâcher le comité des nonnettes en chefs de ce qu’il faut dire/faire ou pas pour avoir le droit de coucher ou pas. Autant ça me dérange vraiment dans ce TXT (bien écrit) l’idée même qu’il sous-tend (on peut sous-tendre ? )
    A savoir:
    Mettre en parallèle les pratiques d’un maniaque (je vise pas DSK pour le fans …) qui bouscule les femmes et les oppresse physiquement et moralement pour arriver à ses fins = tentative de viol caractérisé
    comparée à la platitude de tes copains/collègues en barbecues (les miens se passent mieux 🙂
    Les japonais eux ont résolu ton problème: il baisent plus y paraît.
    Mais j’aime bien te lire en fait BBBB …

  • MDR Laurent !

    Je te rassure sur l’aspect de mes BBQ, ils se passent merveilleusement bien 🙂 Et mes collègues sont des êtres délicieux :p

    Mais, quand tu parles de platitude, là, je m’insurge. Le harcèlement au boulot ou dans tout autre endroit n’est pas une « platitude » et il commence souvent par des petits détails, des petites phrases, des blagues salaces,… de manière insidieuse, et sous des dehors bien innocents.
    Et c’est aussi bien souvent dans des lieux très banals.

    La solution des Japonais non seulement me semble hypocrite, mais en plus elle ne tente pas du tout la BBBB que je suis… ^^

  • Gaelle

    Marie. Merci. Depuis hier, c’est ce que je ressens. Si culpabilité il y a, je suis simplement contente que ces femmes qui se sont retenues de parler puissent enfin respirer. Et tout le mal que je souhaite à la France est de ne pas être dirigée par un homme si formidablement intelligent car tellement incapable de se maîtriser – ce qui révèle une incapacité d’empathie, un manque d’humanité et donc une incapacité à gouverner. Ce sera peut-être une perte pour le FMI et tout ce qui s’en suit, mais à mon avis, son secrétariat sera tout de suite moins tendu.

  • Bravo Marie pour ce texte très juste… j’ai relayé au premier jour les blagues potaches, les feintes, l’humour 36 dessous… jusqu’à me rendre compte que tout cela prend un ton finalement très berlusconien; oui, nous connaissons toutes des DSK;
    -et on peut vous dire, les mecs? c’est pas quand vous jouez les bravaches de la braguette comme ceux là, qu’on vous aime le mieux…

  • Moi, pour une fois je te trouve complètement à côté de la plaque … j’entends aussi les filles baver en mots fleuris sur des joueurs de foot, de rugby, des joueurs de tennis, des acteurs, et devant leur mec, amis, amies … et les allusions et les compliments à peine lourds au mignon petit contrôleur du train (qui n’est pas sourd et qui vous entend glousser bêtement).

    Entre un compliment un peu graveleux, et une fellation forcée, il y a le même monde de différence que de dire « connard » bien fort au volant, et descendre de la voiture pour en découdre à coups de cric dans la gueule.

    Ceci dit, un compliment ça se tourne, et on est pas obligé d’être lourd, mais visiblement certains ne font pas dans la nuance, et parfois même un compliment est ressenti comme déplacé … entre patron et employé notamment. Je voyais un statut twitter d’une nana a qui son patron disait qu’elle « était jolie aujourd’hui » et elle avait juste envie de vomir parce que c’est un vieux bonhomme pas ragoutant.

    D’autre part, quelle erreur, les filles, de croire que parce qu’on vous trouve jolies/bien habillées voire sexy signifie forcément qu’on souhaite vous « posséder » au sens sexuel du terme (et qu’on ne puisse pas maitriser nos envies, si même c’était le cas). C’est faux. A cause de ce malentendu, on est dans un monde où on ne peut malheureusement plus manifester son plaisir de la beauté ou du bon goût. Même la galanterie désintéressée est entachée de suspicion, parce que sexiste et condescendante.

    … et j’ai tjs été irrité par le fait que les crimes sexuels ne sont jamais lavés plus blanc que blanc ni pour l’homme, ni pour la femme … « pas de fumée sans feu » – « il avait des propos déplacés » – « elle était provocante » – « elle l’a bien cherché » – « t’as vu comment elle s’habille » – « il paraît qu’il avait dragué sa belle-soeur » …

  • Je ne pense pas être « complètement à côté de la plaque », David.
    Je ne te parle pas des compliments, qu’ils soient un peu lourds ou pas, mais des propositions, à peine déguisées, des insistances (pas déguisées du tout), des remarques appuyées pour bien te faire comprendre, et sentir, que tu es un bout de viande…

    Je rappelle certaines des celles-ci dans cet article, d’ailleurs : http://www.lafillede1973.com/1209-scenes-de-violence-ordinaire/

    Alors, oui, y’a des mecs qui te font des compliments (lourds ou pas) et puis il y a ceux qui te font clairement comprendre qu’ils désirent juste que tu ouvres les cuisses, et on sait faire la différence entre les deux (enfin, moi, du moins, je la fais), on n’est pas connes au point de s’effaroucher dès qu’on nous fait une remarque avec un sous-entendu tantinet sexuel !!!

    Pour ce qui est des filles qui font des remarques déplacées, ben c’est comme le disait Emma dans le premier commentaire, oui. Y’a pas que les hommes…

    Mais je suis d’accord avec toi quand tu dis qu’aujourd’hui, tout (ou presque) devient sujet à suspicion (et encore pire dans des pays comme les USA, d’ailleurs ! Même moi, je l’ai vécu quand j’y ai bossé)… Et que, au final, les gros clichés sont tout aussi du côté du présumé coupable (qui est traité de bête, d’homme des cavernes) que du côté de la présumée victime (qui l’avait certainement provoqué, la salope)… Mais pour finir, je maintiens, c’est quand même la femme qui s’en sortira le moins bien… (car la puissance sexuelle est valorisée dans notre société…)

  • la femme s’en sortira le moins bien … si l’homme est coupable ! Car si c’est un coup monté, elle s’en sortira le mieux (en faisant abstraction de notions comme la dignité, mais si c’est de l’extorsion, qu’importe) ! La présomption de victime fera que comme « on ne prend pas les femmes au sérieux dans ce genre d’affaires, il faut un procès exemplaire, et on charge la barque).

    C’est comme être accusé de racisme, ça semble tout de suite naturellement crédible (tout le monde est raciste, les étrangers sont discriminés). Fais le test, jette toi toutes griffes dehors sur un quidam (ou même ton Jules) dans la rue, et accuse le de tentative de viol pour voir. Tu seras à la fois peu prise au sérieux en tant que personne, mais « l’affaire » sera prise au sérieux.

    Pour finir, le pouvoir peut être des deux côtés, j’ai déjà vécu du jeu de décolleté ou de jambes pour faciliter certains projets (consenti et assumé par la femme usant et abusant de son charme), sachant l’interlocuteur plus réceptif aux arguments d’une jolie femme.

    … mais un homme ne sera JAMAIS innocenté non plus, car nous sommes tous coupables d’être des hommes, de naissance.

  • Céline Thalys

    Ah bah j’ai bien fait de venir ici ! ( C’est un lien de somethingnew.be qui m’a amené chez toi )
    Bravo et merci pour ton article !
    Au passage, je rejoins tout à fait Pamina dans le sens où, oui, au début, ça paraissait tellement énorme et lourd que ça pouvait presque en être drôle mais en fait, non, pas du tout. Comment dire, un malaise ? Oui un malaise. Vraiment.
    Sur ce, très bonne continuation!

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