La femme est un homme comme les autres

Ca y est, la nouvelle est tombée. Le procureur va prononcer un non-lieu concernant l’affaire DSK dans quelques heures.

Au delà des questions que ne manquera pas de poser cette décision et des discussions sans fin qu’elle va provoquer sur la culpabilité ou non de Dominique Strauss-Kahn, sur les mensonges ou pas de Nafissatou Diallo et sur le fait que le public ne saura, pour finir, jamais le fin mot de cette histoire, cette affaire aura à mon sens révélé des choses bien plus importantes.

Que notre société est encore profondément machiste et sexiste ?

Oui, certes, mais pas que.

Alors oui, les sorties énormes de certains hommes sur l’affaire ont mérité qu’on s’effare, oui.

Mais ce qui m’a, moi, le plus effaré, ce ne sont pas ces sorties-là, non. Vraiment pas.

Les remarques les plus sexistes et les plus machistes, je ne les ai pas forcément lues sous la plume des hommes ou entendues de leur bouche. Certaines femmes étaient loin d’être en reste quand il a fallu faire de grandes déclarations sexistes. Les femmes politiques s’y sont mises mais aussi, et surtout, madame tout le monde, celle qui réagit dans les commentaires des articles de presse, dans les forums, et qui s’est mise à affirmer avec autant de véhémence que ses homologues masculins que « quand même il n’y a pas de fumée sans feu et que cette fille, elle l’a peut-être bien cherché ».

A l’heure où les campagnes de sensibilisation à la violence faite contre les femmes battent leur plein, où l’on dénonce haut et fort la violence conjugale, les inégalités salariales, le déséquilibre de représentation homme-femme dans les postes-clé de notre société, il est encore des femmes pour véhiculer, en toute bonne foi, de bons gros clichés sexistes.

« Oui mais elles ne sont pas instruites, elles, si ça tombe » vous entends-je murmurer.

Je me marre.

Et je vous arrête tout de suite. Ce n’est en rien une question d’instruction.

Ces derniers temps, de nombreuses femmes ont dénoncé (et avec RAISON) le rôle plutôt pervers que jouent les magazines féminins. Ces derniers véhiculent souvent une image de la femme extrêmement stéréotypée. Tout en étant d’une incohérence assez épatante puisqu’ils prêchent en même temps son émancipation et lui demandent d’avoir, enfin, confiance en elle (un très bon article de Slate fait un état des lieux assez éloquent sur la question, je vous le conseille).

Il est donc de bon ton de taper sur les magazines féminins, coupables de tous nos maux.

Ok. Sauf que, les pressions sur les femmes et les gros poncifs culpabilisants, stéréotypés et sexistes, il n’y a pas que dans les magazines féminins qu’on les retrouve.

Un exemple pris au hasard : il y a peu, une jeune femme a affirmé haut et fort se trouver belle et avoir confiance en elle. Elle s’est illico fait descendre en flammes. Certes sa manière de le faire avait été maladroite, mais, à moi, il ne me semblait pas qu’elle commettait un crime de lèse-bienséance. Et par qui s’est-elle fait descendre ? Par des hommes ? Non, du tout. Aucun d’entre eux ne s’est vraiment acharné. Au mieux, cela les a amusés, au pire, ils ont été totalement indifférents à ses déclarations. Non, les plus acharnées ont été d’autres femmes. Quand j’ai demandé le pourquoi de leurs railleries, je me suis vue répondre que cette fille « manquait totalement de modestie ».

C’est donc cela.

Aujourd’hui, il faut avoir confiance en soi ET être modeste. Se savoir (ou se penser) belle ET ne rien dire.

Sois belle et tais-toi.

Sois confiante et baisse les yeux.

Et ce message venait de femmes.

Mais ce n’est pas tout, j’ai, du coup, fait gaffe autour de moi. Et fait gaffe également à ce que je dis, moi (charité bien ordonnée, toussa, toussa…).

Et le constat n’a pas été plus charmant. Au contraire.

Quelle nana n’a encore jamais dit « elle, à part le train, tout le monde lui est passé dessus » d’une fille qui profite juste de sa liberté sexuelle ?

Quelle nana n’a jamais dénigré une autre nana sur base de son physique quel qu’il soit ?

Quelle nana n’a jamais, une seconde, pensé « oui mais elle l’a peut-être quand même bien un peu cherché, là » (ou « je l’ai peut-être bien un peu cherché, là ») ?

… Je plaide coupable, votre Honneur.

Je plaide coupable de crimes contre d’autres femmes, mes semblables. Et contre moi-même, aussi.

Et en fait, pour être un tantinet honnête, la liste de ces remarques et pensées sexistes est bien plus longue que je ne le pensais. Ca donne des sueurs froides.

Donc en fait, nous accusons bien souvent nos homologues masculins, nous les clouons au pilori… pour des crimes que nous commettons joyeusement nous-mêmes.

Si ce n’était pas inquiétant et limite malhonnête, on pourrait en rire.

Mais c’est juste pas drôle, en fait.

Pour finir, on est de gros machos sexistes comme les autres. A un détail près : nous sommes nos propres victimes.

Sur ce, je vous laisse, j’ai mon ménage à faire… et quelque chose me dit que je vais commencer par balayer devant ma porte.

(Ce texte fait partie de la série lancée par le Pari de Marie)

6 Commentaires

  • Thal

    Malheureusement tout à fait d’accord, les femmes sont si bien endoctrinées qu’elles sont parmi les premières à véhiculer les stéréotypes sexistes les éculés… Parfois mon féminisme me rend misogyne…

  • Marc

    Encore une fois, plein de bon sens, bien écrit et honnête!
    Cela peut même rassurer ceux qui ne sont pas des sexistes (si, si, ça existe!)
    😉
    Bravo!

  • @plepeer merci ! (oui, on essaye de mettre autant de l’un que de l’autre 😉 )

    @Thal pareil. Et en plus, comme je déteste la mauvaise foi, ça me rend agressive…

    @David là, je voudrais te faire une énorme HOLA pour toi tout seul car, là, non seulement tu tiens ton pari mais en plus… tu le fais avec brio (et humour !!! 😉 ) !
    Merciiiiiiiiiiiiiiii !

    @Marc oui, c’est fait pour. Et je sais qu’ils existent aussi, ceux-là, no panic 😉

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