50 ans, un bilan

(C’est la première fois que j’écris un texte un peu avant la nuit veille de mon anniversaire, mais je n’ai pas le choix, l’Homme m’ayant dit « prends une brosse à dent, on part », j’ai dû prendre les devants et ça fait bizarre.)
(Bon, ok, il n’a pas vraiment dit « prends une brosse à dent » mais plutôt « prépare ta valise pour vendredi soir et samedi, on part ».)
(Du coup, je pense que je vais aussi prendre un dentifrice, on ne sait jamais.)

Voilà, on y est, la limite fatidique des 50 piges est arrivée.
J’ai longtemps hésité sur le titre de ce texte, et vous trouverez peut-être que le titre élu est un peu trop sobre pour un tel événement.
Laissez-moi alors vous donner quelques exemples auxquels vous avez échappés : « 50 ans, la vie devant » (devant quoi ? On sait pas, mais ça rime), « 50 ans, dans les dents » (no comment), « 50 ans, et maintenant ? » (mon côté optimiste), « 50 ans, et pan ! » (ça rime toujours, nan ?).
J’ai finalement opté pour la sobriété rimée, et on remarquera, au passage, que, même si je travaille dans la com, j’ai bien fait de ne pas travailler dans la pub, les médias ou la communication politique, je connais mes limites.

Voilà, donc, on y est, bis.
J’ai beaucoup pensé à cet âge cette dernière année, forcément. Cette date marque-t-elle mon entrée dans le troisième âge ? Cela signifie-t-il que ma vie est finie ? Vais-je encore pouvoir changer de route, de métier, d’orientation sexuelle ? (oui, sait-on jamais que ce que l’Homme me prépare pour ce week-end ne me plaise pas, j’aime à penser qu’il me reste d’autres options)
Bref, à 50 ans, votre vie est-elle condamnée à être toute tracée et, de toute évidence, tracée vers le bas, les cheveux blancs, la ménopause, les problèmes articulaires, l’incontinence, la vue qui baisse, le visage qui s’affaisse et j’en passe et des meilleures ?
Selon les femmes qui m’entourent et qui ont déjà célébré cet âge fatidique, la réponse est non (enfin oui pour les soucis sus-mentionnés, mais non pour le « la vie est finie », pour être précise). Que du contraire, même, c’est le début de tout autre chose qui, visiblement, est plutôt libérateur.
En tant que femme, je ne peux qu’appeler de tous mes voeux cette libération.
Sauf qu’en tant que femme de 50 piges, je vais surtout devenir invisible, et subir la periménopause (dont je viens seulement d’apprendre l’existence et qui est, clairement ,un ensemble de joies chaque jour renouvelées), du coup, je suis curieuse de voir ce que « libération » veut dire dans ce contexte.
Confiance en soi ?
Acceptation de son corps ?
Sagesse ?
Je-m’en-foutisme bien placé ?

Je ne sais pas.
Mais j’attends avec impatience de savoir, en fait. Car cette dernière année a été tout sauf ça.
Bon, j’avais pas encore 50 ans, vous m’direz.
Mais ma dernière année avant le passage à la dizaine qui commence avec un 5, si elle a été riche d’apprentissages, n’a pas été spécialement drôle.
On ne peut pas toujours s’esclaffer bruyamment dans la vie, me déclarerez-vous. On est d’accord, mais de là à avoir la certitude au quotidien que vous allez mettre fin à vos jours, y’a quand même gap, voire un gouffre.
Cette impression de vide qui m’a habitée (et qui m’habite encore un peu, pour être honnête) a été violente. Qu’ai-je donc fait de ma vie ? Rien, selon moi.
Mettre au monde et élever un gamin bien dans ses baskets, célébrer l’amour au quotidien (depuis plus de 30 ans), avoir écrit et joué une pièce de théâtre, avoir tenu ce blog et gagné deux prix, avoir réussi des études, avoir tenté mille métiers avant de créer le mien, avoir gardé les mêmes amis depuis mon adolescence et en avoir gagné en chemin, plus encore des tas d’autres choses… Rien.
Qu’ai-je réalisé dans ma vie ? Qu’ai-je fait sur cette Terre ? Rien.

Me lever chaque matin avec ce vide au ventre a tenu du supplice. D’autant qu’étant déjà passée par là deux fois, adolescente et il y a une vingtaine d’année, j’avais pas spécialement envie de remettre le couvert. Pourtant…
Et, évidemment, la phrase « mais tu as tout pour être heureuse » s’est remise à tourner en boucle dans ma tête. Car, si ce n’était pas forcément le cas adolescente, j’ai depuis, VRAIMENT, tout pour être heureuse : deux amours, des amis, un métier, une vie vraiment privilégiée (et ce n’est pas du tout une formule toute faite).
Purée, c’est QUOI le problème avec moi ??!!

Alors je ne vous expliquerai pas par le détail la liste de ce que j’ai trouvé comme « problèmes » et qu’il me reste à régler. On va passer ce chapitre.
Mais ce qui n’est pas un problème, par contre, c’est clairement que je suis bien entourée, aimée, suivie et écoutée. Et ça, c’est tout sauf rien.

Pour le reste, je vais mieux (oui, maman, ne te précipite pas sur ton téléphone, ça va !).

J’en profite ici pour dire que la santé mentale, ça fait partie de la santé tout court. Déconnez pas si ça va pas, criez à l’aide. Même si vous avez tout pour être heureux(se). Appuyez-vous sur ceux qui vous aiment (et qui vous veulent du bien, hein), faites le vide dans ce qui vous fait/veut du mal (ce vide-là est accepté, voire exigé) et allez discuter avec un médecin dont c’est le métier (les copains, c’est bien, mais, justement, ils ne sont pas forcément médecins).

Ici, J’ai pris le taureau (c’est moiiii !) par les cornes, je me suis remise à écrire (pas sur ce blog, d’accord, mais pour moi, d’abord), j’ai fait le point sur mes envies (et pas-envies), je me suis foutue deux-trois baffes (mon p’tit côté maso), j’ai discuté avec un spécialiste, j’ai accepté le soutien d’un médoc, j’ai envisagé de faire la paix avec mon enfance et adolescence (mieux vaut tard que jamais) et j’ai même remis les pieds à la danse.

Et puis, j’ai un peu coupé les réseaux sociaux, véritable chemin de croix pour ceux qui ne vont pas. Bon, du coup, un paquet de gens a été en manque de photos de plages et de champagne, mais pas moi.
D’abord, parce que c’est pas la vraie vie et que je ne veux pas infliger aux autres ce dont je souffre, moi.
Ensuite, parce que je sature un peu des plages (ok, ok, pas du champagne, je précise, des fois qu’on me prépare un gros magnum pour mon annif, je ne veux pas prendre ce risque) et même si la photo qui illustre cet article est ENCORE une photo de moi sur une plage, elle illustre bien mieux la meuf de 50 ans (misère, j’vais pas m’y faire !!!) que je suis : en doudoune, sur une plage déserte, new-yorkaise (wé, quand même, hein, ça démontre le privilège), battue par les vents et avec moins 400 degrés (au bas mot, ça caillait).
Photo prise par le petit de l’Homme.
Sous le regard heureux de l’Homme pas loin.

Et pour le reste de la description, on verra.
Je n’ai que 50 ans, j’ai ma vie devant moi.

Happy 50 à moi.

Et happy 50 à toutes les filles de 1973 qui ont/auront 50 ans cette année (et aux mecs aussi, soyons pas chiche !).

Marie, le 29 avril 2023

(Même Delerm a adapté sa chanson !)