19 ans, cordon coupé

(Cet article fait partie d’une liste d’articles écrits pour l’anniversaire du petit de l’Homme dont le premier article sur lequel s’ouvre ce blog pour ses 4 ans, ainsi que la suite pour ses 5 ans, 6 ans, 7 ans, 8 ans, 9 ans, 10 ans, 11 ans, 12 ans, 13 ans, 14 ans, 15 ans, 16 ans, 17 ans et 18 ans.
Oui, ça commence à faire beaucoup. Et entre temps, le petit de l’Homme n’est plus vraiment petit. Il est même devenu franchement grand, dépassant sa mère d’environ 30 cm. Ce qui est la hauteur de la règle graduée, en Belgique appelée aussi « latte », que nous avions toutes et tous à l’école. Qui ne rentrait dans aucun cartable, ou alors très mal et en diagonale. Bref, voilà, le petit de l’Homme, devenu l’Etudiant, me dépasse d’une règle mal ajustée aux cartables et à la vie scolaire. Tirez-en les conclusions que vous voulez.)

« Non, je n’irai pas en vacances avec vous. Je préfère encore partir avec mes copains en Ardenne plutôt que n’importe où de délirant dans le monde avec vous. »
Comme dirait la meilleure amie de l’oncle de l’étudiant : « Ha oui, quand même ! Ca, c’est du coupage de cordon de compèt ! »

Je ne vais pas mentir, le coupage de cordon, j’ai mal pris.
Et encore, ce n’est que le début du chemin.
Il va y avoir tous les autres coupages, c’est pas fini.
Je serre les dents et ne cesse de me répéter : « C’est pour cela qu’on les conçoit, qu’on les met au monde, qu’on les aime, qu’on les aide à grandir, qu’on leur apprend à déployer leurs ailes et à voler… »

Mais on sait toutes et tous que c’est pas complètement vrai. Oui, évidemment, on sait, du jour où ils naissent, qu’ils grandiront et partiront, qu’on les élève pour qu’ils ne restent pas. Mais comme beaucoup de choses que nous « savons », il s’agit d’un savoir purement théorique. Nous ne le saurons vraiment que le jour où cela nous arrive, dans notre chair.
Voilà, le compte à rebours est enclenché.
Et si je prends les choses d’un point de vue purement théorique, ma mission a été menée à bien. Le petit être humain que l’Homme et moi avons élevé nous montre chaque jour qu’il est parfaitement capable aujourd’hui de voler en choisissant les courants d’air qui vont le porter. Certes, il aura peut-être encore besoin de notre boussole ici et là, d’un conseil avisé (ou pas) pour choisir le meilleur courant, d’un portage ou l’autre, parfois. Mais de moins en moins.
En théorie donc, je suis extrêmement heureuse.
Alors, comment expliquer ce manque, ce vide, au moment des vacances qui ne se dérouleront plus « en famille » ?
Parce que la vie, c’est pas juste de la théorie.
Et que, moi, en plus, vivre hors théorie, chuis souvent moyennement douée.
Et qu’il me faut du temps pour m’adapter. Je m’y attelle, mais c’est compliqué.

Comme le disait un ami il y a quelques jours « Marie est plus douée pour s’exprimer par écrit qu’à l’oral. » Ce qui est d’autant plus vrai quand l’enjeu est important et que je me sens submergée par les émotions.
Alors, je vais profiter de cette compétence et de cet article, Louni, pour te dire combien « hors théorie » aussi je suis heureuse de la personne que tu deviens. Tu ne corresponds pas toujours à MES attentes, non pas que tu ne le veuilles pas (tu te donnes vraiment du mal à ce niveau), mais parce que ces dernières ne sont pas vraiment toi. J’en oublie souvent que tout ce qu’il a autour et qui fait ta valeur, la vraie.

Ta capacité de foncer et de croire en toi, ta créativité, ton empathie, ton indéniable optimisme, ta bonté, ton p’tit côté frondeur, ton insatiable curiosité. Ta capacité de te remettre en question aussi. Et ton incroyable compétence à comprendre et vivre pleinement l’époque dans laquelle tu vis, à la saisir, l’embrasser, l’incarner.

Pas d’inquiétude, tes parents (bon, moi, surtout) vont s’adapter. Ok, ok, on n’a pas trop le choix, d’accord. Mais nous n’allons pas faire que nous adapter, nous allons en être heureux. Laisse-nous juste 3-4 minutes (bon, ok, remplace « minutes » par « années »). Juste le temps qu’il faut pour qu’on se souvienne de notre bonheur et ivresse au même âge que toi d’avoir l’avenir et le monde devant nous, de cette envie que nous avions de tout prendre à bras-le-corps, et de faire de cet avenir, quel qu’il soit, le nôtre.

Tu vis dans une époque plus sombre que la nôtre, mais c’est la tienne. Et chacun de nous n’en a qu’une. Vis-là, de toutes tes forces, de toute ton âme.

Je te l’ai déjà dit timidement : je suis fière de toi.
Je te l’ai déjà dit tellement : je t’aime.
On ne dit jamais trop ces choses-là.
Je te les répète encore, à l’infini.

A tes 19 ans, mon fils.

Marie
Le 11 décembre 2022